La BAD presse les réformes en Afrique centrale

Les prévisions de croissance pour l’Afrique centrale sont assombries par la pandémie de Covid-19, constate la Banque africaine de développement. La Banque ajuste ses prévisions et émet une série de recommandations aux États de la région.
Par Kimberly Adams
En Afrique centrale, « l’absence de diversification des économies, la faiblesse du capital humain, le manque d’emplois décents et de compétences appropriées sont des défis majeurs », juge la BAD (Banque africaine de développement). Aussi, recommande-t-elle aux pays de la région de mettre en œuvre des programmes de développement de compétences et de capacités nouvelles.
Selon le directeur du Département des économies‑pays à la Banque, l’Afrique centrale est touchée par la crise à travers cinq canaux essentiellement : « La baisse des prix des matières premières, la chute des recettes touristiques, la baisse des transferts de migrants et des investissements directs et les difficultés dans le secteur financier. »
Daniel Ona Ondo, président de la Cemac plaide pour la prise en compte de tous les pays dans les appuis et initiatives engagés par les partenaires techniques et financiers. Il constate que l’Afrique centrale fait face à trois chocs, sanitaire, sécuritaire, et économique.
Emmanuel Pinto Moreira fait observer : « Lorsqu’il y a une crise, il y a aussi des opportunités et la région peut profiter de cette situation pour renforcer son système de santé, maintenir la stabilité macroéconomique, renforcer l’intégration qui est une nécessité et investir dans le capital humain. »
Déjà, en 2019, l’Afrique centrale avait enregistré un niveau de croissance en deçà de la moyenne africaine (3,2 %), soit 2,8%, comme en 2018. Seule l’Afrique australe (0,3 %) avait enregistré une croissance moindre en 2019.
Pourtant, l’Afrique centrale avait enregistré une amélioration des principaux indicateurs : une inflation moyenne de 2,6 %, la plus basse de toutes les régions africaines. Son solde budgétaire excédentaire de 0,5 % du PIB faisait du Centre la seule région non déficitaire. De même, un déficit contenu de la balance courante à 1,9 % du PIB constituait la meilleure performance africaine.
Le taux de croissance du PIB réel de la région devait s’établir à 3,5 % en 2020 et à 2,9 % en 2021. Au programme, selon le dernier rapport de la BAD : « Poursuite des réformes engagées, les dividendes des investissements structurants, le développement de la diversification économique et les efforts engagés en matière de gestion de la dette. »
Mais ces perspectives seront plus sombres avec l’avènement de la pandémie. En effet, les économistes anticipent désormais une récession de 2,5 % en 2020 dans un scénario optimiste de maîtrise de la situation à court terme, soit une baisse de 6,1 points de pourcentage de la croissance.
De nécessaires efforts de transformation structurelle
Dans un scénario plus pessimiste où la pandémie serait moins rapidement contenue, la récession serait de 4,3 %, soit une perte de 7,8 points de pourcentage par rapport aux projections initiales.
Le ralentissement de la croissance mondiale anticipée pour 2020 et 2021, et en particulier celle de la Chine, des États-Unis et de l’Europe, partenaires majeurs de la région, devraient s’accompagner d’une réduction des investissements en Afrique centrale et d’une diminution des exportations.
De plus, l’insécurité et l’instabilité politique dans certains pays, pourraient continuer de nuire à la croissance économique dans la région et rendre plus difficile la gestion de la pandémie. « Les problèmes de gouvernance économique et la détérioration du climat des affaires constituent aussi des enjeux de taille. »
La résorption des déséquilibres et le maintien de la stabilité des cadres macroéconomiques devraient être de rigueur, afin de pallier les dérapages budgétaires et les crises d’endettement de la région.
De plus, la dépendance de la région aux ressources naturelles constitue un important facteur de fragilité des économies. « Elle souligne la nécessité d’engager des efforts de transformation structurelle et de diversification afin d’assurer une meilleure résilience aux chocs. »
L’insuffisance, le mauvais état et le manque d’infrastructures (transport, eau, électricité, TIC, etc.) pour soutenir et accompagner l’activité de production, constituent un frein à la transformation structurelle.
Sur ce point, « le partenariat public privé devrait être envisagé, étant donné la faiblesse des ressources publiques face à l’immensité des besoins ». Enfin, l’un des défis majeurs de l’Afrique centrale reste la faiblesse du capital humain.
Aussi, la BAD recommande-t-elle diverses mesures. En priorité, il faut prendre des mesures sanitaires et économiques appropriées en vue de contenir les effets de la pandémie du Coronavirus sur les pays.
De plus, l’Afrique centrale doit consolider la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que renforcer la gouvernance économique en poursuivant les efforts d’assainissement du cadre macroéconomique et du climat des affaires.
Les pays doivent promouvoir la diversification économique, investir dans les infrastructures et améliorer la mobilisation des ressources intérieures. Ils doivent juguler les effets du changement climatique et développer le capital humain.
L’agriculture préserve des emplois
Conscients de leurs difficultés, les pays de la région ambitionnent d’investir dans le renforcement du capital humain, afin de soutenir les politiques de transformation structurelle, avec l’objectif de diversifier leurs économies.
Les programmes de développement des compétences et des capacités nouvelles adaptées aux réalités économiques d’aujourd’hui et de demain, s’appuient sur les deux principaux piliers du capital humain – l’éducation et la formation d’une part, et la santé et la protection sociale, d’autre part.
L’analyse de la structure des emplois en Afrique centrale, en relation avec l’informalité et la précarité, montre des dynamiques différentes selon l’activité économique.
Les pays « agricoles » (Cameroun, Centrafrique, RD Congo et Tchad) dont la majorité des emplois se trouve dans l’agriculture, ont de faibles taux de chômage mais des taux très élevés de sous-emploi, d’informalité et de vulnérabilité.
À l’inverse, les pays « pétroliers » (Congo, Gabon, Guinée équatoriale), ont des taux de chômage relativement élevés, avec cependant, une informalité et une précarité, plus réduites.
Plus généralement, la combinaison des emplois informels et du travail indépendant (l’agriculture ou le petit commerce) semble aussi être une source de vulnérabilité de l’emploi.