Franc CFA : Sauvetage à la grecque
Les pays de la CEMAC ont rejeté l’option de la dévaluation du franc CFA. Choisissant de facto, l’option de la consolidation budgétaire, sous le magistère du FMI. Option lourde en dégâts humains, dans des pays sans aucun filet social, comme le Congo.
Par Désiré Mandilou
Face à la contrainte d’ajustement, les pays de la CEMAC ont choisi, unanimement, de ne pas toucher au franc CFA. Pourtant, la dévaluation de la monnaie nationale est le seul instrument qui améliore la compétitivité d’un pays, de manière indolore pour le pouvoir d’achat.
Malheureusement, la culture économique étant la chose la moins partagée en Afrique, on y considère la dévaluation comme une punition. Si l’on dévalue par exemple la monnaie CFA d’Afrique centrale de 70 % par rapport à l’euro, le prix des exportations dans le reste du monde baisse de 70 %, ce qui améliore leur compétitivité. La balance commerciale se redresse également, parce que les importations deviennent plus onéreuses de 70 % et diminuent en conséquence.
Au fondement de toute zone monétaire se trouve la solidarité entre les pays membres. Pourquoi deux poids, deux mesures ? Solidarité en Zone euro, chacun pour soi en Zone CFA ; insouciance en Italie, souffrances au Congo ?
Il suffit alors d’inclure dans les mesures d’accompagnement de la dévaluation, le contrôle des prix pour garantir la rigidité à la hausse des prix domestiques et limiter la perte de pouvoir d’achat des salaires. La dévaluation ouvrirait d’autre part, la perspective de création d’une offre nationale de produits de consommation courante de substitution.
L’idéal étant que cette offre soit manufacturée, engageant ainsi le pays dans une proto-industrialisation par substitution aux importations. C’est cela, l’ajustement par les flux réels. Évidemment, le côté obscur de la dévaluation reste l’alourdissement de la dette extérieure, libellée en devises. Incidence facile à traiter comme nous le verrons ci-après.
Heureusement pour les pays de la CEMAC, notamment pour le plus endetté d’entre eux, le Congo Brazzaville, il existe aujourd’hui une alternative aux vieilles lunes restrictives du FMI. Cette alternative d’ajustement, non formalisée par la théorie économique, mais efficiente sur le terrain, fait référence à la manière dont la Zone euro a géré ses dettes souveraines.
Le Consensus de Francfort
Retour sur image. Le Congo est aujourd’hui exclu des marchés financiers internationaux. Quelle a été la réponse européenne lorsque la Grèce s’est retrouvée dans la même situation ? Un ajustement budgétaire draconien sur le papier, mais toujours différé dans les faits. Jusqu’à ce que la Grèce obtienne la garantie de soutien du reste de l’Europe.
Par contre, l’apport massif d’argent frais en provenance de la BCE (Banque centrale européenne) a été instantané. Cet apport de capitaux, via le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a permis aux banques européennes d’effacer le risque grec de leurs bilans. En clair, la BCE a payé les dettes grecques aux banques privées pour éviter un krach bancaire à l’échelle européenne. La BCE a géré le risque systémique.
Toutefois, l’ajustement structurel d’une économie s’étale sur plusieurs périodes. Avant le retour à l’excédent budgétaire primaire (hors les intérêts de la dette), la Grèce devait bénéficier d’un financement quasi automatique de ses déficits infra-périodiques. Le principal créancier de la Grèce, l’Allemagne, a refusé l’automaticité des refinancements infra-périodiques. En contrepartie des efforts constatés sur le terrain, la Grèce devait accéder aux nouvelles ressources requises par son ajustement.
Les séquences de l’ajustement ont alors été les suivantes. D’abord un hair cut, un effacement unilatéral par les créanciers, d’une large fraction de la dette grecque. Ensuite, une mutualisation de la dette grecque à l’échelle de la Zone euro via le Mécanisme européen de stabilité (MES). Celui-ci est un fonds abondé par tous les pays membres de la Zone euro, à hauteur de 700 milliards d’euros.