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Finances et Marchés

La décennie perdue

La décennie perdue
  • Publiéoctobre 3, 2019

Le tableau de la situation économique de la Tunisie n’est guère flatteur en dépit de quelques apparences trompeuses.

Par Dov Zerah 

Les attentats terroristes de 2015 et 2017 ont été oubliés et les touristes ont repris le chemin de la Tunisie permettant au pays d’engranger, à fin août 2019, 1,2 milliard d’euros de recettes, niveau équivalent de 2010, avant le « Printemps arabe ». Cette bonne performance masque de nombreuses lacunes du secteur. 

Le résultat équivalent en recettes est obtenu avec trois fois plus de touristes: ils étaient 2,9 millions en 2010, plus de 9 millions en 2019, ce qui dénote une baisse des prix significative. Pour maintenir leurs activités, les aubergistes tunisiens ont bradé leur destination.

Alors qu’il représentait 3,8 % du PIB en 2010, le tourisme pesait encore 3,5% du PIB en 2019. Cette embellie touristique a permis une amélioration du solde des transactions courantes. La Banque centrale a engrangé des devises, et augmenté ses avoirs au point de couvrir 100 jours d’importation, niveau rarement atteint au cours des dix dernières années. Dans le même temps, le dinar s’est apprécié de près de 8 % depuis le début de 2019 ; mais en dix ans, la monnaie tunisienne s’est dépréciée de près 70 %. 

Si le tourisme constitue un motif de satisfaction, il n’en est pas de même de certaines activités industrielles : baisse de l’activité pétrolière, baisse des prix des phosphates et donc des ressources… 

Le PIB s’est contracté, en passant de 44 milliards de dollars courants en 2010 à moins de 40 milliards en 2018, et ce n’est pas une croissance à moins de 2 % qui va permettre de retrouver un véritable sentier de croissance. 

La dégradation des comptes publics a amputé les capacités gouvernementales, elle ne peut laisser envisager une relance par l’État de l’activité économique. Tant une gestion plus rigoureuse des finances publiques que la conduite de courageuses réformes s’imposent. 

Dans le même temps, la population est passée 10 635 244 habitants en 2010 à 11 565 204 habitants en 2018. Le PIB par habitant est tombé de 4 272 $ en 2014 à 3 423 $ en 2018, soit un appauvrissement, exprimé en dollar, de 20 % au cours des cinq dernières années. 

Espoir de recul de l’inflation 

La cause principale de l’atonie de la croissance est la stagnation, voire le recul de l’investissement productif qui a chuté de 2,55 milliards de dinars à 2,36 milliards (697 millions d’euros), de juin 2009 à juin 2019. Cette situation est totalement corrélée aux incertitudes politiques, et aux risques d’attentat terroristes. 

Un des points faibles de la situation économique est l’inflation ; elle est passée de 4,2 % en 2016 à 6,4 % en 2017, et à 7,5 % en 2018, mais devrait revenir à 6,7 % en 2019. L’inflation entraîne une baisse du pouvoir d’achat et une exacerbation des revendications salariales, conduisant à une multiplication des mouvements sociaux. Cela explique les augmentations des salaires qui atténuent la compétitivité de l’économie. 

Les comptes publics n’ont cessé de se dégrader. Le déficit budgétaire est passé de 1 % du PIB en 2010 à 3,3 % en 2011, 5,7 en 2012, et s’est situé jusqu’en 2019 autour de 6 %. Cette dégradation a entraîné une fièvre de la dette publique qui a doublé en neuf ans, en passant de 40,7 % du PIB en 2010 à plus de 80 % en 2019.

L’accroissement de la dette extérieure s’accompagne d’un alourdissement de sa charge qui représente maintenant près de 17 % des recettes courantes de l’État. Cette situation qui a amputé les capacités gouvernementales ne peut laisser envisager une relance publique de l’activité économique. Tant une gestion plus rigoureuse des finances publiques que la conduite de courageuses réformes s’imposent. 

Les années 2010 apparaissent ainsi comme la décennie perdue. C’était peut-être inéluctable après les événements de 2011, après toute période révolutionnaire… Dans une alliance avec les Frères musulmans d’Ennahdha, le défunt président Béji Caïd Essebsi a permis à son pays d’assurer une transition politique globalement satisfaisante… 

Les nouvelles autorités issues des élections présidentielles et législatives à venir devront assurer la stabilité politique pour favoriser l’investissement et remettre le pays sur le sentier de croissance. Cela est inéluctable pour faire reculer un chômage qui touche près de 17 % et consolider une classe moyenne nécessaire au développement du pays.

Écrit par
Dov Zerah

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