La finance durable progresse

En dépit de la volatilité des marchés financiers, les investissements basés sur la durabilité sont en forte croissance. Ils sont néanmoins inégalement répartis relève un rapport de la Cnuced qui se dote d’un observatoire consacré à ces questions.
Par Véronique Clara-Véronne
Le Rapport 2021 sur l’investissement dans le monde publié par la Cnuced fait apparaître une forte baisse des IDE (investissements directs étrangers) depuis l’arrivée du nouveau coronavirus. Les IDE ont chuté de 58% en 2020, à 312 milliards de dollars, pour revenir à leurs niveaux de 2003.
Cependant, les investissements financiers basés sur la durabilité ont connu une forte croissance, malgré la forte volatilité des marchés, relèvent les auteurs du rapport.
« Dans les années à venir, le marché de l’investissement durable devra passer du statut de niche à un marché de masse qui intègre pleinement la durabilité dans les modèles commerciaux et la culture », estime James Zhan (Cnuced)
Malgré la crise, le besoin se fait toujours croissant de mobiliser de vastes montants de capitaux pour atteindre les ODD (Objectifs de développement durable) d’ici 2030. C’est pourquoi le rapport 2021 analyse plus spécifiquement les dernières tendances de la finance durable et du marché mondial de capitaux, soit le segment amont de la chaîne d’investissement.
La Cnuced estime que la valeur des produits d’investissement à thématique de durabilité s’est élevée à 3 200 milliards $ en 2020, soit une hausse de plus de 80 % par rapport à 2019, ce qui montre que le marché des capitaux s’aligne de plus en plus sur des objectifs durables, notamment ceux définis par les ODD des Nations unies.
Ces produits comprennent des fonds durables (plus de 1 700 milliards $), des obligations vertes (plus de 1 000 milliards$), des obligations sociales (212 milliards $) et des obligations à durabilité mixte (218 milliards de dollars) (figures 1 et 2).
Une nuance s’impose : la plupart des produits d’investissement durables sont domiciliés et investis dans les économies développées. « Pour maximiser l’impact sur le développement durable, davantage de fonds devraient être investis dans les économies en développement et en transition », relève le directeur de l’investissement et des entreprises de la Cnuced, James Zhan. De plus, des inquiétudes persistent quant à l’ « éco-blanchiment » et à l’impact réel de ces produits.
Le rôle des places boursières
Les investisseurs institutionnels sont bien placés pour influencer le changement en matière de durabilité, dans la mesure où ils détiennent les actifs et les allouent au sein des portefeuilles. C’est pourquoi ils sont devenus une source de financement importante pour le développement durable.
De même, avec plus de 60 000 milliards $ d’actifs sous gestion, les fonds de pension et les fonds souverains ont une influence considérable sur la durabilité des entreprises.
Pour leur part, les compagnies d’assurances peuvent contribuer au développement durable, dans la mesure où elles apportent des solutions face aux risques et en tant qu’investisseur, avec des actifs sous gestion d’une valeur de plus de 30 000 milliards $). De son côté, le secteur bancaire peut favoriser le développement durable par le biais des prêts aux entreprises. En 2020, le marché des prêts durables avait atteint environ 200 milliards $.
Fait moins connu, les marchés boursiers exercent un impact sur le développement durable de par leur influence sur le comportement des entreprises en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) et par la promotion de produits de finance durable.
D’ailleurs, la Cnuced relève qu’en 2020, 56 places boursières avaient rédigé des directives à l’intention des sociétés cotées, en matière de communication d’informations ESG, ce qui correspond à l’ODD 12.6. En 2015, elles n’étaient que treize. De même, les rapports ESG obligatoires sont en augmentation.
Le nombre de Bourses imposant des règles obligatoires sur la divulgation ESG a plus que doublé au cours des cinq dernières années. On en compte 25 aujourd’hui. Enfin, le nombre marché boursier disposant de compartiments dédiés aux obligations durables a augmenté de 14 entre 2019 et 2020, portant le total à 38.
Pour autant, considère la Cnuced, les marchés financiers doivent désormais s’attaquer au « greenwashing » et remédier aux déséquilibres géographiques.
Un observatoire spécifique
Bien sûr, beaucoup de travail a été accompli au cours de la dernière décennie par les propriétaires d’actifs, les institutions, les Bourses, les régulateurs et les décideurs politiques.
« Dans les années à venir, le marché de l’investissement durable devra passer du statut de niche à un marché de masse qui intègre pleinement la durabilité dans les modèles commerciaux et la culture », estime James Zhan.
Qui rappelle que la Cnuced disposera bientôt d’un nouvel d’un Observatoire spécifique. Ce dernier s’attaquera aux problèmes de la fragmentation des normes, de la prolifération des analyses comparatives, de la complexité de la publication et de l’auto déclaration de la durabilité des opérations. « Il intégrera les instruments et les résultats pertinents sur sa plateforme virtuelle afin de faciliter l’évaluation, la transparence et l’intégrité des produits et services de finance durable. »
L’observatoire travaillera en liaison avec les processus de normalisation du secteur financier et des organismes de réglementation pour promouvoir l’intégration complète et efficace du développement durable, tel que défini par les ODD, dans tous les aspects de l’écosystème financier mondial.
L’observatoire sera lancé officiellement lors du Forum mondial de l’investissement de la Cnuced en octobre 2021, qui réunira la communauté mondiale de l’investissement pour le développement, y compris toutes les parties prenantes des marchés de capitaux. Rapport complet : unctad.org/system/files/official-document/wir2021_en.pdf
@Véronique Clara-Véronne