Féminiser la finance pour gagner en rentabilité

Les entreprises qui respectent l’équilibre entre les hommes et les femmes ont tendance à dégager davantage de bénéfices. L’Afrique doit tenir compte de cette réalité : la diversité des genres est bonne pour les affaires.
Un signe très prometteur d’un avenir radieux pour l’économie africaine est que le nombre de start-up détenues par des femmes continue d’augmenter, atteignant un taux de 22 % en 2022. On ne saurait trop insister sur l’importance de ‘égalité des sexes pour l’économie mondiale. Une étude réalisée par le cabinet de conseil en gestion McKinsey a révélé que la promotion de l’égalité des femmes sur le lieu de travail ajouterait jusqu’à 28 milliards de dollars au PIB mondial annuel, soit l’équivalent des économies de la Chine et des États-Unis réunies !
Un monde avec plus de femmes gestionnaires de fonds serait un monde avec une distribution plus équitable des ressources, où le sexe d’un entrepreneur ne dicterait pas la facilité d’accès au financement.
Malgré les progrès de ces dernières décennies, le monde des affaires reste l’un des derniers bastions d’un monde dominé par les hommes, les femmes étant sous-représentées à tous les niveaux, mais surtout lorsqu’il s’agit de la propriété.
L’Afrique ne fait pas exception à cette règle décourageante, le domaine traditionnel de l’agriculture en constituant peut-être l’exemple le plus frappant. Alors qu’elles constituent la majorité des travailleurs agricoles, les femmes sont rarement propriétaires de terres, puisque seulement 15 % des propriétaires de terres agricoles en Afrique sont des femmes. Même dans les petites entreprises, où les femmes sont plus susceptibles d’être propriétaires, les possibilités de financement sont limitées. Aujourd’hui, au moins 40 % des PME d’Afrique subsaharienne sont détenues par des femmes, mais seule une femme sur cinq a accès à un financement institutionnel, ce qui entraîne un déficit de financement de 42 milliards $.
Comme l’exprime Thiaba Camara Sy, cofondatrice du Women’s Investment Club (photo ci-contre), « au Sénégal, les femmes naissent entrepreneures, mais seulement 3,5% ont accès au crédit bancaire ». L’organisation a été fondée en 2016 pour lutter contre le faible accès au financement des entreprises détenues par des femmes.
L’une des principales raisons de cette disparité de financement est liée au faible nombre de gestionnaires de fonds diversifiés, les équipes d’investissement ayant trop souvent la réputation d’être des boys’ clubs. Selon un rapport de la Société financière internationale (IFC), seuls 2 % des gestionnaires de fonds en Afrique sont des femmes, contre 9 % seulement aux États-Unis.
Les avantages de la parité
La nécessité d’augmenter le nombre d’investisseurs féminins ne doit pas être comprise comme une simple question d’égalité. De nombreuses études ont montré que les mesures financières positives destinées aux femmes sont non seulement essentielles pour combler l’écart de richesse entre les hommes et les femmes, mais qu’elles renforcent également une vérité indéniable : la diversité des genres est bonne pour les affaires.
Une étude de l’IFC datant de 2019 révèle que les entreprises qui maintiennent une équipe composée de 30% à 70 % de femmes bénéficient de meilleurs rendements, avec un taux de rentabilité net supérieur de 20 % en moyenne.
Les équipes équilibrées en termes de genre connaissent également de meilleures augmentations de leur valorisation, progressant en moyenne 9 % plus vite que les entreprises à dominante masculine. Malgré ces avantages évidents, 70 % des équipes d’investissement sont composées exclusivement d’hommes, ce qui montre que des pratiques archaïques peuvent perdurer même lorsqu’elles nuisent directement aux résultats d’une entreprise.
La même étude montre également une tendance très encourageante chez les femmes investisseuses, qui sont deux fois plus susceptibles d’investir dans des femmes entrepreneures que leurs homologues masculins. Cela signifie que tout effort visant à augmenter le nombre d’investisseuses est susceptible de maintenir la dynamique et de continuer à produire des effets positifs pour les femmes à l’avenir.
Il est également largement prouvé que les investissements dans les femmes sont associés à d’importants effets d’entraînement, puisque les femmes des pays en développement réinvestissent jusqu’à 90 % de leurs revenus dans leur famille et leur communauté.
Féminiser les fonds d’investissement

Comme le dit Florence Gatome, membre du comité d’investissement d’EG Capital, « les femmes et les jeunes sont au cœur de l’économie de consommation en Afrique ». Son premier fonds, le EG-Economic Empowerment Fund se concentre sur les secteurs de l’alimentation, du climat, de la santé et de l’éducation, où les femmes et les jeunes sont majoritairement représentés en tant que consommateurs, employés et propriétaires d’actifs.
Le fonds est actif au Rwanda, en Zambie, au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, qui sont prêts à décoller économiquement, les femmes et les jeunes alimentant la demande et renforçant ainsi la résilience de leurs économies locales face aux chocs extérieurs (pandémie, guerre en Europe, défaillance systémique des banques, chocs climatiques, dépréciation de la monnaie, par exemple).
Un monde avec plus de femmes gestionnaires de fonds serait un monde avec une distribution plus équitable des ressources, où le sexe d’un entrepreneur ne dicterait pas la facilité d’accès au financement. Pour que l’Afrique réussisse, nous devons féminiser les fonds d’investissement !
Sandrine Henton est directrice générale d’EG Capital, une société de gestion de fonds fondée en septembre 2015. Elle a créé Educate Global pour se concentrer sur les entreprises de taille moyenne, avec un accent initial sur les jeunes et les femmes en Afrique de l’Est.
@ABanker