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African Banker

Faut-il limiter l’activité des banques étrangères ?

  • Publiéjuin 21, 2018

Opinion : L’essor des banques étrangères en Afrique offre certes l’avantage d’un élargissement de l’offre que permet la saine concurrence, mais accentue les risques systémiques. Faut-il s’en inquiéter, faut-il légiférer ?

Par Dhafer Saïdane*

Les banques internationales dominent aujourd’hui pratiquement le marché bancaire africain. Elles représentent plus de 60 % des actifs totaux. Les banques dites « étrangères », « internationales » ou « sans frontières » sont des banques dont l’origine de la maison mère se situe dans un pays étranger.

Avec de bonnes pratiques, la présence de banques étrangères aura des incidences systémiques positives : une meilleure stabilité financière, une concurrence accrue et une plus grande résilience aux chocs.

Cette information issue d’une des dernières publications de la Banque mondiale, Global Financial Development Report 2017/2018, montre que les banques internationales peuvent avoir des effets opposés. Elles peuvent exercer un effet bénéfique sur les pays d’accueil par leur dynamique de croissance. Mais elles peuvent aussi avoir un effet dévastateur par la transmission et l’amplification des risques dits systémiques.

L’un des plus gros défis des autorités monétaires des pays africains consiste donc à optimiser les avantages des activités bancaires transfrontalières tout en minimisant leurs coûts. Facile à dire, pas évident à faire !

À ce propos Jim Yong Kim, le président du Groupe de la Banque mondiale, semble sceptique : « Face à l’évolution du secteur bancaire, une question cruciale s’impose : la finance sera-t-elle l’ami ou l’ennemi de la lutte contre la pauvreté ?»

Pourtant, il semblait, depuis les travaux fondateurs de Ronald McKinnon et d’Edward Shaw, qui datent déjà de 1973, que la question de la causalité et des bienfaits de la finance sur la croissance n’est plus à poser. D’autant que ces travaux s’inscrivent dans la droite lignée de la vision de la Banque mondiale. Alors pourquoi son président doute-t-il aujourd’hui ?

En fait, la mondialisation financière a brouillé les cartes et complexifié les relations entre les pays. L’effet de la finance sur la croissance a un côté pile et un côté face.

Un marché bancaire de plus en plus panafricain

Côté pile, Jim Yong Kim précise : « Les activités bancaires internationales présentent un risque de contamination de l’instabilité, en particulier pour les pays qui n’ont pas de réglementations et d’institutions solides, et il est indispensable d’atténuer ce risque. »

Côté face, le président de la Banque mondiale ajoute : « Sans concurrence bancaire, les pauvres ne seront pas en mesure d’avoir accès à des services financiers essentiels, de nombreuses entreprises seront dans l’impossibilité de s’ouvrir à de nouveaux marchés, et la croissance dans les pays en développement piétinera.»

Les restrictions que s’infligent les banques étrangères dans les pays en développement depuis la crise financière mondiale de 2007-2009 auront alors pour conséquence d’entraver le potentiel de croissance de ces pays. L’accès des entreprises et des ménages à des financements indispensables sera ainsi limité.

L’Afrique subsaharienne n’a pas eu besoin de choisir entre ouverture et fermeture. Ce choix s’est imposé à elle puisque presque 60 % des actifs de son marché bancaire sont détenus par des banques étrangères.

L’un des plus gros défis des autorités monétaires des pays africains consiste donc à optimiser les avantages des activités bancaires transfrontalières tout en minimisant leurs coûts. Facile à dire, pas évident à faire !

L’Afrique serait-elle donc par défaut ouverte à la finance mondiale ? Pas tout à fait. On note en fait que la part des banques régionales dans les banques dites étrangères domine de plus en plus en Afrique.

 En d’autres termes, le marché bancaire est en réalité de plus en plus panafricain comme en peut témoigner la structure du marché bancaire en zone Uemoa. Il est frappant de noter que la part de marché des banques étrangères du Nord, ici l’Union européenne, ne représente que 14,6 % dans toute la zone Uemoa.

Il apparaît clairement que la part de marché des banques européennes dans la zone Uemoa se partage approximativement entre la Société Générale pour 9,3 % et BNP Paribas pour 4,8%.

La crise de 2007-2009 a suscité des retraits stratégiques de la part des banques des pays riches dans les pays du PECO (Europe centrale et orientale) mais aussi en Afrique. Une réévaluation des avantages et des coûts des activités bancaires internationales est en train d’être réalisée.

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