Égalité des genres : les efforts des banques

Les banques africaines engagent ou poursuivent une stratégie d’égalité des sexes. Avec des résultats encourageants, juge une étude, qui fait néanmoins apparaître que les banques sont encore frileuses dès qu’il s’agit de prêter aux entrepreneures.
Les banques d’Afrique subsaharienne démontrent une volonté constante d’améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes dans le domaine de la finance. Tel est le constat de la BEI (Banque européenne d’investissement) qui a publié récemment une étude détaillée sur la finance en Afrique.
Étude qui reprend les enquêtes sur l’importance des entreprises gérées par des femmes. Elles ont, en règle générale, mieux supporté la crise sanitaire en 2020-2022, par exemple. Pourtant, les banques ont toujours tendance à privilégier les structures gérées par un homme. De son côté, la BEI a mené une enquête auprès des banquiers.
En interne, 65 % des banques ont mis en place une stratégie en matière d’égalité des sexes, et 19 % supplémentaires envisagent de le faire. Parmi les banques de la région, elles ne seront donc bientôt qu’une petite minorité à ne pas avoir adopté de stratégie de ce type, se félicite la BEI.
La transformation numérique du système bancaire a été accélérée par la pandémie, mais une fracture numérique persiste entre les hommes et les femmes.
Pour 79 % d’entre elles, la principale raison est l’obtention de résultats souhaitables sur le plan social, un motif qui arrive également en deuxième position pour 17 % des établissements interrogés. L’amélioration de la performance financière est un autre objectif. Une troisième raison avancée est l’amélioration de la réputation de la banque…
L’enquête révèle que la raison la moins importante est la pression politique ou réglementaire. « S’il est encourageant de constater que les banques mènent des politiques d’égalité entre les femmes et les hommes plus de leur propre chef que parce qu’elles s’y sentent contraintes, la faible importance accordée à ce facteur soulève des questions sur les incitations politiques et réglementaires qui ont été mises en place pour s’attaquer aux obstacles liés au genre dans le secteur financier en Afrique subsaharienne », commentent les auteurs.
De leur côté, les entreprises révèlent que les entreprises bien établies et dirigées par des femmes dans la région citent moins souvent le manque d’accès au financement comme un obstacle que les entreprises dirigées par des hommes.
Des prêts plus élevés aux hommes ?
Selon la BEI, la moitié des banques, dans leurs déclarations, n’« observent aucune différence » entre les femmes et les hommes, mais l’autre moitié estime que les femmes dépendent davantage du financement bancaire que d’autres sources, ce qui permet de penser que des différences existent. En effet, « le fait de disposer de moins d’options de financement constitue une contrainte pour les femmes à la recherche de fonds ».

Les taux de refus sont similaires pour les prêts aux femmes et aux hommes, mais de nombreuses banques offrent maintenant des conditions préférentielles aux femmes qui empruntent. À les en croire, les banquiers africains que même si les femmes pourraient être plus dépendantes des banques pour le financement, les normes de souscription des prêts bancaires sont appliquées de manière équitable entre les sexes.
Et finalement, 7 % accordent des prêts plus importants aux femmes et 27 % aux hommes. « Globalement, ces chiffres mettent en évidence une légère tendance à accorder des prêts d’un montant plus élevé aux hommes, ce qui pourrait s’expliquer par une plus faible représentation des femmes dans les grandes entreprises que dans les PME », commente la BEI qui juge toutefois « encourageant » de constater que la moitié des banques déclarent accorder des modalités ou conditions de prêt préférentielles aux femmes. En outre, 63 % des établissements bancaires affirment disposer de produits spécialement conçus pour les femmes, et 10 % prévoient de mettre en place de tels produits, ce qui signifie que les trois quarts des banques entendent proposer des produits ciblés pour les femmes. On peut donc dire que de nombreuses banques prennent des mesures en faveur de la clientèle féminine.
De plus, les banques constatent une meilleure qualité des actifs pour les prêts qu’elles octroient aux femmes. Lorsqu’elles prêtent aux PME, les deux tiers des banques enregistrent des données spécifiques du genre des propriétaires de l’entreprise, ses équipes de gestion ou encore le pourcentage de femmes au sein du personnel. Cette pratique leur permet de surveiller les propriétés et la performance des prêts par sexe. Un peu plus de la moitié des banques suivies par la BEI indiquent que les emprunteuses affichent un taux de prêts non productifs plus faible, et 30 % ne font état d’aucune différence entre les emprunteurs masculins et féminins.
De plus, un tiers des banques indiquent que plus de 10 % du total des PME sont improductifs, ce qui correspond à la part de l’échantillon complet. Des écarts qui semblent encore « plus flagrants » que l’enquête parallèle menée auprès des entreprises.
Et pourtant, donc, la répartition des prêts reste clairement favorable aux emprunteurs masculins. En ce qui concerne les prêts aux PME, près de 70 % des banques indiquent que moins de 30 % de leurs prêts sont accordés à des femmes.
Fracture numérique
Les obstacles auxquels sont confrontées les entreprises dirigées par des femmes pour obtenir des prêts sont similaires à ceux que rencontrent les PME. À savoir le manque de garanties acceptables, des antécédents de crédit médiocres ou incomplets, le manque de projets « bancables ». Sans compter l’obstacle de l’« autosélection » : le manque de demande émanant des femmes est cité par 41 % des banques comme une contrainte pour l’octroi de prêts aux femmes, contre 24 % des banques qui prêtent aux PME.
Enfin, signale l’étude de la BEI, la transformation numérique du système bancaire a été accélérée par la pandémie, mais une fracture numérique persiste entre les hommes et les femmes. Alors que 63 % des banques n’observent aucune différence dans l’utilisation des plateformes numériques en fonction du sexe, 30 % constatent un taux d’adoption plus élevé chez les hommes, et seulement 3 % observent un taux d’adoption plus élevé chez les femmes. Pourtant, « il est largement admis que l’utilisation accrue des canaux numériques est un moyen important d’accroître l’inclusion financière », observent les auteurs. À ce titre, l’utilisation accrue des canaux numériques entraînerait des avantages économiques, financiers et sociaux dans en Afrique, concluent-ils.
@ABanker