Dr Adesola Adeduntan : Comment bien faire en faisant le bien

Le PDG de First Bank of Nigeria, Dr Adesola Adeduntan, expose la philosophie de la banque et le secret de sa longévité de plus de 125 ans.
Par Omar Ben Yedder
Le Dr Adesola Adeduntan était à Édimbourg (Écosse), invité par la Edinburgh School of Business à prononcer une allocution sur le rôle des institutions financières dans la promotion de l’inclusion financière. C’est à cette occasion que nous l’avons rencontré.
Lorsque vous atterrissez à Édimbourg, vous êtes accueilli par des panneaux d’affichage de différents fonds d’investissement annonçant leurs références en matière d’investissement responsable et durable et expliquant combien les considérations environnementales, sociales et de gouvernance sous-tendent leurs activités.
Alors qu’économistes et politiciens remettent en question le capitalisme et le modèle libéral occidental, leur approche aujourd’hui vise une croissance et une prospérité qui doivent être équitablement distribuées et prenant en compte les besoins vitaux des populations. Dès lors, l’investissement durable devient incontournable dans le langage des entreprises.
En 125 ans, tout n’a pas été simple pour la banque. Adeduntan a hérité d’une structure fortement exposée aux secteurs du pétrole et du gaz et de l’énergie, à un moment où les prix ont considérablement chuté, entraînant la dépréciation du naira par rapport au dollar.
Dr Adesola Kazeem Adeduntan, PDG de First Bank of Nigeria, est un vétéran du monde bancaire et des entreprises nigérianes. Son message primordial, clairement exprimé tout au long de ses réponses, ainsi que lors des différents entretiens qu’il a donnés au cours de la journée (à la Business School et pour un cabinet d’avocats), est sur l’importance de bien faire – si vous avez le désir de bien faire – financièrement, au Nigeria et dans le reste de l’Afrique.
Un signe révélateur
FirstBank est la plus ancienne banque d’Afrique. Elle a été créée à Lagos en 1894 sous le nom de Bank of British West Africa. L’année dernière, la banque a donc célébré son 125e anniversaire.
C’est également la plus grande banque du Nigeria, en termes d’actifs et de réseau d’agences. Adeduntan, médecin vétérinaire de formation, nous confie que la longévité de l’institution est clairement un signe révélateur : elle prouve non seulement la résilience de la banque, mais aussi qu’elle a les bonnes structures en matière de gouvernance et présente un bon modèle économique, le développement du pays étant au cœur de ses préoccupations.
Le thème des célébrations de l’anniversaire portait sur la façon dont la banque s’est installée dans le tissu de la société nigériane. Le message clair adressé à l’industrie est que, même s’il est possible de gagner rapidement de l’argent, vous ne pouvez atteindre cette longévité que si vous menez vos affaires en ayant à cœur les intérêts de votre pays.
Néanmoins, il est évident qu’Adeduntan ne veut pas s’attarder trop longtemps sur les gloires passées et qu’il souhaite regarder devant lui ! Dans une voiture, fait-il observer, ce n’est pas sans raison que le pare-brise est bien plus grand que le rétroviseur…
Le défi de la Fintech
Comme dans la plupart des secteurs, les façons anciennes de faire des affaires sont de plus en plus bousculées par une technologie en constante évolution. Le secteur bancaire ne fait pas exception et semble être le siège d’un assaut croissant de la Fintech.
Je lui demande s’il craint que des sociétés non financières n’entrent dans le secteur bancaire, en particulier compte tenu du récent changement de réglementation de la Banque centrale, laquelle autorise les institutions financières non traditionnelles, à savoir les opérateurs mobiles, à entrer sur le marché.
Il répond qu’il n’est pas inquiet car sa banque a l’une des stratégies les mieux définies en matière d’inclusion financière et qu’elle possède le plus grand réseau bancaire numérique au Nigeria.
Une grande partie de cette stratégie a été développée grâce au système FirstMonie Agents de la banque : 46 000 agents représentent la banque à travers le pays. Actuellement, 9 millions de clients effectuent des transactions sur leur plateforme USSD (par téléphone mobile, à la fois intelligent et analogique) en plus des clients de 3 millions effectuant des transactions sur la plateforme FirstMobile.
Le réseau d’agents, le plus important du genre dans le pays, permet à la banque de fournir des services aux communautés rurales les plus éloignés ; et parce qu’il n’a pas besoin de disposer d’un vaste réseau de succursales, ses services peuvent être fournis à une fraction du coût d’un modèle bancaire « traditionnel ».
Approfondissement financier
Adeduntan préfère utiliser l’expression « approfondissement financier » pour évoquer les personnes non bancarisées. L’inclusion financière est passée du minimum des années 1920 à environ 40 % au Nigéria, au cours des sept dernières années et devrait avoir doublé par rapport au milieu des années 1980 d’ici cinq ans.
Il considère que l’« approfondissement financier » se ressent lorsque l’inclusion financière commence à jouer un rôle important dans le développement économique. Il consiste à ajouter des produits supplémentaires sur le réseau bancaire d’agence actuel, – des services tels que le micro-crédit, la micro-assurance et la micro-pension.
L’objectif est de fournir des services à valeur ajoutée tout en augmentant le niveau d’épargne ; cet aspect, qui est essentiel pour stimuler les taux d’investissement, a été l’un des facteurs de la croissance rapide de l’Asie.
C’est dans ce domaine, poursuit-il, que la banque a un rôle vital à jouer et un net avantage sur les nouveaux entrants. La technologie jouera un rôle crucial dans l’élargissement de l’inclusion financière.
La First Bank of Nigeria Limited a été créée en 1894. Elle a commencé comme avec un capital initial de 12 000 £ à Lagos, au Nigeria, négociée sous le nom de Bank of British West Africa (BBWA). Son fondateur était Alfred Lewis Jones, un magnat du transport maritime.
En outre, il est important de s’associer et de collaborer avec différentes parties prenantes telles que les ONG et d’autres organisations s’occupant du bas de la pyramide, pour les aider à atteindre différentes populations et à améliorer la culture financière.
L’année dernière a été le théâtre d’un boom des investissements en capital-risque, au Nigeria. Par exemple, 400 millions de dollars ont été investis dans plusieurs start-up Fintech au cours du seul mois de novembre.
Adesola Kazeem Adeduntan ne craint-il pas que ces acteurs de la Fintech, à la faveur d’une base de coûts plus faible et de leur capacité à utiliser la technologie, l’IA et les mégadonnées pour surmonter les obstacles traditionnels, ne viennent prendre la part majoritaire du gâteau, dans le segment des personnes non bancarisées ? Il répond que ce ne sera le cas que si les banques n’arrivent pas à se réinventer.
D’ailleurs, à Édimbourg, il a passé une grande partie de sa journée à visiter des centres technologiques autour de l’université de la ville et à parler à des sociétés de technologie financière. FirstBank, ajoute-t-il, a noué divers partenariats avec des Fintechs et dispose de son propre laboratoire numérique, développant de nouvelles solutions pour la banque.
Néanmoins, il croit fermement que les « anciennes banques » continueront de jouer un rôle central, en particulier « dans cette partie du monde où les banques sont assez dominantes et ont un pouvoir d’achat important ».
En matière de règlements et de dépôts, il voit bon nombre de ces nouveaux acteurs comme des partenaires avec lesquels les banques peuvent travailler, même si dans certains domaines ces acteurs sont concurrents.
Possibilités de croissance
Malgré les progrès impressionnants réalisés par le secteur bancaire au Nigeria, Adeduntan estime qu’il existe encore un énorme potentiel de croissance pour le secteur.
Il souligne qu’aucune des meilleures banques du pays n’a figuré parmi dix meilleures banques en Afrique, bien que le Nigeria soit la plus grande économie du continent.
Il considère qu’avec la signature de l’accord de libre-échange continental africain, « nous entrons dans une période très intéressante pour le secteur bancaire, au Nigeria et en Afrique en général ».