Dette africaine : la réflexion avance

Les créanciers privés des pays africains devront, tôt ou tard, négocier un échéancier ou une annulation. Tidjane Thiam, l’un des envoyés spéciaux de l’Union africaine, souhaite accélérer le processus.
Par rédaction
Sous la présidence de Tidjane Thiam, la CEA (Commission économique des Nations unies pour l’Afrique) et l’Institut des finances internationales (IIF) ont organisé une réunion virtuelle relative à la dette de l’Afrique. Elle a réuni, le 11 mai, des délégués représentant quinze ministères africains des Finances et du développement, l’Union africaine et la communauté des créanciers privés. Il s’agissait de débattre et d’agir en vue de la participation du secteur privé à l’Initiative de suspension du service de la dette du G20. L’envoyé spécial de l’Union africaine, Tidjane Thiam donc, a souligné la nécessité d’« accélérer la résolution du processus ».
La coopération mondiale est un élément essentiel de la réponse à la pandémie. « C’est pourquoi la Cour des comptes européenne et l’IIF ont travaillé pour établir un forum de dialogue ouvert entre les créanciers privés et les débiteurs souverains. » Pour la CEA et l’IFF, « il est clair depuis le déclenchement de cette pandémie que chacun a un rôle à jouer – y compris le secteur privé – pour soutenir les pays africains émergents ». Que ce soit par l’apport de capitaux longs ou de facilité de trésorerie.
Représentant le secteur privé, l’IIF a aidé à coordonner les points de vue d’une centaine d’importants gestionnaires d’actifs, banques et autres institutions financières du monde. Autant d’acteurs capables de fournir des financements privés aux nations et aux entreprises via des euro-obligations, des prêts syndiqués, des financements commerciaux et d’autres structures de crédit à travers le continent. Ces investisseurs apportent une expertise et une expérience importantes en Afrique et dans d’autres marchés émergents, et représentent un actif total géré de plus de 45 000 milliards de dollars.
Cette réunion fait également suite aux réunions des ministres des finances et du développement que la CEA a convoquées dans le cadre de son soutien aux États membres sur la crise.
Analyser la spécificité de chaque pays
Le principal objectif de la discussion de comprendre l’éventail des options possibles, en plus de souligner l’importance de maintenir l’accès au marché privé pour les pays après la crise.
Entre autres sujets, le groupe a discuté des questions de normalisation des processus dans la mesure du possible. Les participants ont pris acte de la décision du G20 de surseoir à la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés. Essentiellement des pays africains.
Les pays endettés doivent pouvoir bénéficier du ballon d’oxygène que représenterait l’annulation de tout ou partie de leur dette. Ce, sans mettre en péril leur capacité d’endettement futur.
Néanmoins, ils considèrent qu’une solution unique d’annulation ne peut pas s’appliquer sous les mêmes modalités. Il faut, au cas par cas, prendre en considération les caractéristiques spécifiques de chaque pays.
De délicates négociations à prévoir
IFF et CEA sont convenus d’explorer les moyens de fournir des liquidités aux pays africains, « tout en honorant leurs obligations envers les créanciers et en préservant l’accès futur aux marchés ». Selon Tidjane Thiam, « des discussions comme celle d’aujourd’hui contribueront à avancer vers des solutions efficaces ». Les créanciers de l’Afrique ont aussi des intérêts à faire valoir, ce qui rendra délicates toute négociation en vue d’un report ou d’une annulation de créances. L’IFF retient le montant de 13 milliards $ de dettes des pays bénéficiant du moratoire du G20 envers le secteur financier privé.
Ainsi, il n’est pas acquis que tous les créanciers participeront au processus sur les mêmes bases, étant donné leur diversité. De plus, la note souveraine des pays bénéficiant d’un moratoire pourrait être abaissée. Ce qui nuirait à leur capacité d’emprunter de nouveau sur les marchés, à un taux d’intérêt acceptable.
En outre, la réunion a convenu que la communication avec et depuis toutes les parties prenantes doit être bien gérée. Il s’agit de ne pas perturber inutilement le flux crucial de capitaux privés à investir dans les hôpitaux, les routes, l’éducation, les systèmes de soins de santé et autres infrastructures essentielles.
Enfin, le groupe est convenu de la nécessité de poursuivre le dialogue et envisagera un suivi, le cas échéant.
La dette africaine, dont le G20 a décidé de suspendre le remboursement pendant douze mois, se creuse – parfois s’annule – depuis les années 1960. Elle atteindrait aujourd’hui 340 milliards d’euros, dont environ un tiers est dû à la Chine
Rappelons que l’Institute of International Finance est l’association mondiale de l’industrie financière, comptant près de 450 membres de plus de 70 pays. Sa mission est d’accompagner l’industrie financière dans la gestion prudente des risques.
L’institut entend développer de saines pratiques industrielles et plaide pour des politiques réglementaires, financières et économiques qui favorisent la stabilité financière mondiale et une croissance économique durable. Les membres de l’IIF comprennent des banques commerciales et d’investissement, des gestionnaires d’actifs, des compagnies d’assurances, des fonds souverains, des fonds spéculatifs, des banques centrales et des banques de développement.