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Des banques tunisiennes convalescentes

Des banques tunisiennes convalescentes
  • Publiéoctobre 17, 2022

Les analystes de Fitch Ratings constatent que les banques tunisiennes affichent de meilleurs résultats. Toutefois, des signes de faiblesse persistent, à l’image de la conjoncture économique en Tunisie, tandis qu’elles sont moins touchées par le ralentissement mondial.

 

Certes, la rentabilité des banques tunisiennes a rebondi à des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie au premier semestre 2022, ce qui est de nature à atténuer la faiblesse des conditions d’exploitation. Pour autant, des risques de crédit apparaissent, tandis que certains paramètres de qualité des actifs se détériorent déjà, prévient Fitch Ratings.

La baisse des charges de dépréciation et la hausse des taux sont à l’origine du fort rebond de la rentabilité au premier semestre 2022, le rendement annualisé des fonds propres moyens du secteur passant à 16%, contre 10% en 2021. Voilà cet indicateur proche de son niveau de 2019, 17%.

Le récent accord salarial entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail a augmenté la probabilité d’un accord avec le FMI. Si ce dernier est conclu, « il pourrait améliorer considérablement la confiance des investisseurs et les conditions commerciales dans le pays ».

La marge d’intérêt nette moyenne des plus grandes banques a augmenté à 4,0% au premier semestre 2022, contre 3,8% l’année précédente. Visiblement, les hausses de taux ont eu peu d’impact sur les coûts de financement, étant donné la forte proportion de comptes courants et d’épargne à faible coût. La rentabilité opérationnelle a été stimulée par la décision des banques de moins provisionner pour dépréciation ; les charges ont consommé, en moyenne, 31% du bénéfice.

Les hausses de taux d’intérêt devraient continuer à soutenir la rentabilité. La Banque centrale de Tunisie a relevé son taux d’intérêt directeur de 25 points de base, à 7,25 % le 5 octobre 2022. Les analystes de Fitch Ratings s’attendent à de nouvelles hausses, invoquant « la persistance d’une inflation élevée et de la dépréciation du dinar tunisien à des niveaux records par rapport au dollar ».

Cependant, les experts se déclarent « sceptiques » quant au fait que les charges de dépréciation soient suffisantes pour contrebalancer les risques, étant donné les faibles conditions d’exploitation et la détérioration de la qualité des actifs.

L’inflation élevée, la hausse des taux et l’instabilité politique exercent une pression sur les emprunteurs, et le ratio moyen prêts douteux/prêts bruts des neuf plus grandes banques (hors STB Bank) a augmenté à la fin du premier semestre. Certes, cela s’explique en partie pour des raisons techniques, certaines banques se montrant plus strictes dans la classification des prêts douteux, tandis que la nouvelle norme comptable IFRS 9 devra s’appliquer à la fin de 2023. Pour autant, « la détérioration des paramètres indique une aggravation des conditions », préviennent les experts. La couverture des prêts douteux a augmenté à 68% à la fin du premier semestre.

Les exigences modestes des banques tunisiennes en matière de fonds propres réglementaires sont moins conservatrices que sur certains autres marchés africains. Les ratios moyens de fonds propres de base et de fonds propres totaux du secteur offrent « des amortisseurs limités » compte tenu des risques souverains et de l’environnement opérationnel, ainsi que des concentrations élevées d’emprunteurs à nom unique.

 

Tendances contradictoires

Plus précisément, le secteur bancaire est exposé au risque souverain tunisien – noté d’un peu flatteur « CCC » – à travers la détention de titres publics, les placements auprès de la Banque centrale et les prêts au secteur public. L’exposition souveraine (hors entreprises publiques) représentait 16% des actifs des banques à la fin mai 2022, soit environ 0,9 fois leurs fonds propres. « Bien que cette exposition ne soit pas particulièrement élevée au regard des normes régionales, elle présente des risques pour les minces volants de fonds propres des banques », commentent les experts de Fitch. « La plupart des expositions sont en dinar, ce qui signifie qu’une restructuration de la dette souveraine en monnaie locale pourrait entraîner des pertes substantielles. »

Malgré les risques souverains, les conditions de liquidité se sont assouplies, les dépôts des clients continuant d’affluer dans le système bancaire, tandis que les banques ont prêté plus prudemment. D’ailleurs, la dépendance des banques à l’égard des financements de la Banque centrale est bien moindre qu’en 2019, lorsque la Tunisie a été confrontée à une crise de liquidité majeure. L’évolution des ratios reflète deux tendances contradictoires, une croissance plus faible des actifs et une augmentation des dépôts des clients.

Le système bancaire tunisien est relativement peu sensible au durcissement des conditions financières mondiales compte tenu de sa faible dollarisation, qui limite les risques de refinancement. Les banques émettent sur le marché national et seulement 1% des dépôts des clients du secteur sont en devises étrangères. « Toutefois, un ralentissement de la croissance des dépôts, associé à une augmentation des demandes de financement de la part de l’État, pourrait déclencher de nouvelles pressions sur les liquidités », prévient Fitch.

Reste une note d’espoir : le récent accord salarial entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail a augmenté la probabilité d’un accord avec le FMI. Si ce dernier est conclu, « il pourrait améliorer considérablement la confiance des investisseurs et les conditions commerciales dans le pays ». Prévenant des risques de baisses, Fitch prévoit une croissance du PIB de 2,3 % en 2023 et de 2,5 % en 2024.

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@ABanker

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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