Des banques de développement peu affectées

L’agence Fitch considère que les risques de défaut du Niger et du Gabon sont bien pris en compte dans les notations de leurs créanciers, les banques multilatérales de développement, comme la BOAD et la BIDC.
Le 5 septembre 2023, l’agence Fitch Ratings avait placé le Gabon « sous surveillance », prévenant d’une possible dégradation de son « rating ». Après une semaine de réflexions, et sans changer pour l’instant sa notation (« B-, perspectives négatives »), elle fait savoir qu’elle ne s’attend pas à un impact négatif de la situation actuelle sur les notations des dettes des créanciers, à la suite des coups d’État au Niger et au Gabon.
« De nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont un accès limité au financement et sont donc fortement incités à rester en règle avec leurs créanciers, car c’est une condition pour obtenir des apports financiers. »
« Le risque politique est déjà pris en compte dans les notations des banques multilatérales de développement opérant en Afrique occidentale et centrale, et l’exposition à ces deux pays est limitée », jugent les analystes. La BOAD (Banque ouest-africaine de développement (notée « BBB/Stable ») est la plus exposée, comptant 12 % de ses prêts au Niger à la fin de 2022, « mais la nature de sa notation, axée sur le soutien, signifie qu’elle serait résistante à une détérioration marquée de la performance des prêts ».
La plupart des banques multilatérales de développement notées par Fitch ont une exposition limitée au Niger et au Gabon. Deux pays aux situations différents : le Niger est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique et n’a pas accès aux marchés, ce qui signifie qu’il ne peut emprunter qu’auprès des guichets concessionnels de la Banque mondiale et de la BAD (Banque africaine de développement). En revanche, le Gabon ne dépend pas beaucoup du financement multilatéral du développement et obtient une part élevée de financement sur les marchés des capitaux par rapport aux autres pays de la région.
La BOAD, la banque régionale de développement de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), dont les opérations de prêt sont concentrées dans les pays de l’Union, y compris le Niger, constitue l’exception.
Les sanctions imposées par les pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) au Niger comprennent un gel de ses actifs souverains à la Banque centrale régionale. « Le Niger ne peut donc rembourser aucun créancier étranger, y compris la BOAD », préviennent les analystes.
Des sanctions financières comparables ont été imposées au Mali en janvier 2022 et l’État n’a pas été en mesure d’assurer le service de sa dette envers les banques multilatérales de développement jusqu’à ce que les sanctions soient levées en juillet 2022.
La CEEAC sanctionne peu
Attention, préviennent les experts : « Si les sanctions de la CEDEAO contre le Niger entraînaient des retards de paiement de plus de six mois, nous considérerions l’exposition de la banque au Niger comme non performante. »
La note de la BOAD repose sur le soutien de ses actionnaires et sur son profil de crédit. Le profil de risques « serait résistant » à une augmentation significative potentielle des prêts non performants, y compris si le Niger est considéré comme non performant. Si la note ne change pas, dans cette hypothèse, il est clair que « la vulnérabilité aux chocs futurs augmenterait », selon les critères de l’agence.
Enfin, la BIDC (Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (notée « B/Stable ») présente une sensible exposition au Niger (1,7% des prêts). Toutefois, sa notation est beaucoup plus basse que celle de la BOAD et tient déjà compte d’un niveau élevé de prêts non productifs (7,5 % à la fin de 2022). Une augmentation de ce type de prêts ne changerait pas la donne.
L’expérience du Mali en 2022 suggère qu’une fois que les sanctions sont levées et qu’un État souverain a de nouveau accès à ses actifs, il peut reprendre ses paiements aux banques de développement, conformément à leur statut de créancier privilégié. « De nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont un accès limité au financement et sont donc fortement incités à rester en règle avec leurs créanciers, car c’est une condition pour obtenir des apports financiers », fait observer Fitch. Qui fait référence au Burkina Faso, un autre pays où les remboursements de prêts aux banques de développement n’ont pas été interrompus à la suite d’un coup d’État militaire. Lequel, il est vrai, n’a pas été suivi de sanctions financières.
Le coup d’État militaire au Gabon (qui ne fait pas partie de la CEDEAO) n’a pas entraîné de sanctions financières et Fitch s’attend à ce que le pays souverain continue d’assurer le service de sa dette envers les banques de développement tant que ce sera le cas. Le Gabon fait partie de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, qui n’ont pas d’antécédents récents de sanctions susceptibles d’affecter les paiements de la dette. La Banque africaine de développement (notée « AAA/Stable ») est la plus exposée à la dette souveraine du Gabon (2,1 % de ses prêts).
@ABanker