Ghana : Ursula Owusu-Ekuful, ministre des Communications

Le Ghana vient d’inaugurer sa plateforme de suivi en temps réel des volumes de télécommunications, voix et données. La ministre des Communications présente les avantages, notamment fiscaux, de cet outil. Lequel peut faire école en Afrique.
Entretien avec Hichem Ben Yaïche, envoyé spécial à Accra
Pourquoi une plateforme de supervision des télécommunications?
Le gouvernement s’inquiétait du fait qu’il n’existait pas de moyens de vérifier les revenus déclarés par les opérateurs de télécommunications.
Nous avions besoin d’un système indépendant pour le faire. La loi nous autorise à nous connecter directement aux systèmes de facturation de tous les opérateurs. Notre mission est d’aider les organismes chargés de la collecte des impôts à vérifier les revenus déclarés par les opérateurs de télécoms afin de pouvoir déterminer les taxes à prélever.
La plateforme effectue le suivi des volumes de communications, la détection et la prévention des fraudes, ainsi que le suivi des services financiers mobiles. Leur réalisation représente une économie très importante pour l’État.
Le Président a souligné qu’il ne voulait plus avoir recours à l’aide étrangère. Si nous ne sommes pas capables de financer nous-mêmes notre développement, nous continuerons de dépendre de l’aide d’autres pays.
En revanche, si nous payons tous nos impôts, si nous nous conformons tous à la loi, l’État disposera de suffisamment de revenus pour financer le développement du pays.
C’est ainsi que nous deviendrons autonomes. Nous consacrerons ces fonds à des initiatives de développement. Notre mission est de contribuer à la réalisation du programme de développement du gouvernement. Nous estimons pouvoir accroître les recettes fiscales d’environ 20 % ; c’est ce que d’autres pays sont parvenus à faire en mettant en place une telle plateforme.
Les opérateurs de télécoms ont résisté pendant des années à la mise en place de ce système de supervision en temps réel. Nous avons dû retarder le lancement de la plateforme car nous avons dû faire face à une série de procès et d’interventions. Mais tout cela est à présent terminé et la plateforme est opérationnelle.
Cette plateforme vous permet-elle de connaître les revenus des opérateurs de télécoms ?
Nous sommes convaincus qu’à terme, l’État recevra environ 20 % de recettes supplémentaires du secteur des télécommunications. Une fois que les services d’argent mobile paieront la taxe de service de communication, nous verrons une augmentation importante des recettes car jusqu’à présent, ces services n’étaient pas taxés.
Aujourd’hui, le nombre de transactions sur les plateformes mobiles est bien supérieur au nombre de transactions effectuées en agence bancaire. C’est une bonne nouvelle ; nous souhaitons développer les modes de paiement électroniques.
Cela fait partie des mesures que prend le Ghana : utiliser la technologie, accélérer le développement et aider l’État à recueillir les recettes fiscales pour financer le développement du pays. Comme plus de gens utilisent les plateformes de services financiers mobiles, nous avons une meilleure visibilité des liquidités dans le système. La Banque centrale du Ghana peut connaître exactement les flux en circulation.
Avez-vous une idée du coût de ce nouvel instrument ?
La plateforme va nous coûter 89 millions de dollars sur cinq ans. Ce coût comprend l’équipement, l’exploitation et la maintenance.
Peut-elle servir de modèle pour d’autres pays d’Afrique ?
Absolument, parce qu’elle remplit plusieurs objectifs à la fois. La plateforme effectue le suivi des volumes de communications, la détection et la prévention des fraudes, ainsi que le suivi des services financiers mobiles. La réalisation de toutes ces fonctions représente une économie très importante pour l’État.
Et ce n’est pas tout : dans cinq ans, grâce aux progrès de la technologie, l’équipement sera entièrement mis à niveau. Cela est prévu dans le contrat. Que le gouvernement décide de poursuivre ou non le contrat à cette échéance, nous aurons un système entièrement nouveau. Le personnel de l’autorité, chargée de la collecte des impôts et de l’autorité de contrôle des communications est également formé. Il sera capable de gérer le système quand il lui sera transféré dans cinq ans.
La plateforme représente-t-elle la première étape de l’émancipation pour se soustraire à l’aide étrangère, – la vision d’un « Ghana au-delà de l’aide » ?
Tout à fait ; c’est l’un des piliers de cette politique.
Elle est importante, ambitieuse…
Oui, et nous sommes capables d’y arriver. Chacun peut payer ses impôts, se conformer à la loi. Ensemble, nous pouvons construire un Ghana au-delà de l’aide. Un pays autonome, fort et solide.