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Décideurs

Abdelwaheb Ben Ayed, PDG de Poulina

Abdelwaheb Ben Ayed, PDG de Poulina
  • Publiéjanvier 8, 2019

Le fondateur et président de Poulina Group Holding, Abdelwaheb Ben Ayed, se bat pour assurer la pérennité de son groupe après lui. Retour sur un succès de management qu’il faut désormais pérenniser.

Tunis, Moncef Mahroug

À 80 ans, Abdelwaheb Ben Ayed (dit « A.B.A. ») ne songe nullement à prendre sa retraite. Le fondateur et président de Poulina Group Holding reste très présent dans la vie de son groupe. Sans compter son temps, il a été longtemps le premier à arriver au bureau et le dernier à le quitter. 

Ce, avant qu’on lui diagnostique, début 2018, une maladie contre laquelle il mène un combat acharné. Toutefois, les combats de ce genre, Abelwaheb Ben Ayed en a l’habitude depuis sa prime jeunesse.

Abdelwaheb Ben Ayed a décidé de revoir l’organisation et le mode de gestion du groupe et de mettre en place gouvernance dans laquelle le pouvoir jadis concentré dans ses mains est désormais réparti entre diverses structures et plusieurs responsables.

Alors qu’il a douze ans, un médecin lui apprend ainsi qu’à son père et à son frère, qu’ils sont tous trois dyslexiques. Le futur patron va en souffrir pendant sa scolarité.

« J’ai commencé mon parcours scolaire à l’école coranique où la mémorisation est primordiale. Et comme j’en étais incapable en raison de ma dyslexie, cela m’a valu pas mal de bastonnades. Mais à mesure que la place de la mémorisation dans l’apprentissage reculait, mes résultats se sont améliorés progressivement jusqu’à l’excellence. » 

Ce manager hors pair va réussir à bâtir un des groupes les plus importants de Tunisie. Pourtant, un obstacle s’est dressé sur la route de Poulina, un an et demi à peine après la création de la première société du groupe, le 14 juillet 1967 : la vague de collectivisation qui a déferlé en 1969 en Tunisie convertie au socialisme. 

Mais au fonctionnaire venu l’informer que le tour de sa société d’être transformée en coopérative est venu, le jeune patron trouve la parade qui va lui permettre d’échapper à ce danger : « Vous avez le choix entre deux solutions : soit obtenir une décision de justice ou prendre le contrôle de la société par la force. » Surpris, le fonctionnaire n’a trouvé quoi répondre, est parti et n’est jamais revenu.

Face aux embûches posées par l’État 

Pionnière – c’est elle qui a introduit le poulet dans le régime alimentaire du Tunisien –, Poulina va pouvoir se développer à sa guise pendant près de vingt ans.

Mais après l’arrivée au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, en 1987, la société entre dans une nouvelle zone de turbulences. Cette fois, le danger pour Poulina Group Holding, et pour tous les entrepreneurs et les entreprises ayant réussi et pris de l’envergure, est d’être dessaisis de leurs biens. À cette différence près que l’« ogre » n’est pas un État adepte de la propriété collective des moyens de production, mais les familles et l’entourage de l’ancien président Ben Ali. 

Bien que conscient de tout cela, Abdelwaheb Ben Ayed a un jour « la mauvaise idée », ce sont ses propos mots, d’inviter Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ancien Président, au siège de Poulina pour lui présenter une technique financière consistant à transférer, au sein du groupe, le cash-flow de sociétés bénéficiaires vers celles qui sont déficitaires.

Comme s’il n’attendait qu’une occasion et un motif pour « casser » du Poulina, le Fisc mis au courant, accuse le groupe de minoration de résultat, donc de fraude. La sanction tombe : Poulina est condamné à une amende de près de 150 millions de dinars. Le groupe bataille pendant près de cinq ans et finit par obtenir, partiellement, gain de cause : l’amende est revue à la baisse, à 50 millions de dinars.

Face à la fronde sociale 

Après la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011, Poulina et son président sont confrontés à un défi d’un tout autre genre : l’explosion sociale. Comme dans le reste du pays, une partie des employés du groupe, les ouvriers en particulier, commencent par devenir plus revendicatifs que par le passé.

Après la revendication, vient le temps de la contestation. Les employés formulent des exigences qui, pour la direction, sont inacceptables. Le président du groupe lui-même n’y échappe pas ; un jour, il voit son double accroché à une potence dressé devant le siège du groupe. C’en est trop pour Abdelwaheb Ben Ayed qui décide de réagir.

Dans l’urgence, il décrète un lock-out qui ramènera le calme au sein des entreprises. Poulina adopte une nouvelle stratégie d’investissement dans laquelle les services, notamment dans les technologies de l’information et de la communication, seront favorisées au détriment des industries grandes consommatrices de main-d’oeuvre.

Enfin, le groupe opte pour la robotisation de ses unités industrielles afin d’y réduire l’intervention humaine.

Écrit par
Moncef Mahroug

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