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De délicates échéances financières pour le Niger

De délicates échéances financières pour le Niger
  • Publiéaoût 8, 2023

Les sanctions économiques et financières, dont le blocage des refinancements auprès de la BCEAO, entrave la capacité du Niger à rembourser ses emprunts selon le calendrier prévu. Ce que ne ferait qu’aggraver un enlisement de la crise politique.

 

La décision n’a rien de surprenant. Moody’s a abaissé dès le 2 août 2023 son « rating » sur la dette du Niger de deux crans, de B3 à Caa2, et confirmé quelques jours plus tard qu’il fallait s’attendre à une nouvelle dégradation. L’agence américaine s’inquiète des sanctions économiques et financières imposées par la CEDEAO et par l’UEMOA à la suite du coup d’État du 26 juillet, tandis que la situation diplomatique reste bloquée.

Ces sanctions comprennent la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays membres de la CEDEAO et le Niger ainsi que le gel des avoirs de la République du Niger auprès de la Banque centrale (BCEAO) et les banques commerciales de la CEDEAO.

Des sanctions prolongées affecteraient durablement la force économique du Niger en compromettant la mise en œuvre de projets d’infrastructure clés, à commencer par l’oléoduc vers le Bénin dont la mise en service était prévue pour la fin de cette année.

Si elles sont maintenues, ces sanctions « empêcheront probablement le Niger d’effectuer les prochains paiements de principal ou d’intérêts aux créanciers à l’extérieur du pays, ce qui constituerait un défaut de paiement », selon la définition de Moody’s. Qui, bien sûr, tient compte de la suspension de l’ordre constitutionnel au Niger, laquelle ne manquera pas d’avoir des « répercussions immédiates » sur l’accès du gouvernement au soutien des donateurs internationaux et à la coopération en matière de sécurité, un soutien essentiel au profil de crédit du Niger.

Plus les sanctions, notamment la fermeture des frontières et le gel des transactions de services, resteront de mise, « plus les répercussions économiques négatives seront importantes dans ce pays enclavé », prévient l’agence. Qui n’écarte donc pas le risque de « défaut de paiement » si la crise se prolonge.

Des sanctions similaires imposées par la CEDEAO au Mali, au début de 2022, avaient entraîné une série de paiements manqués jusqu’à ce que les sanctions soient levées plus tard dans l’année. Elles se sont traduites, reconnaît l’agence américaine, par « des pertes relativement modestes pour les investisseurs après la reprise des paiements du principal et des intérêts et la résorption des retards de paiement ».

 

Des besoins de financement importants

La répartition de la dette régionale du Niger émise par adjudication en juin 2023 indique qu’environ 80 % de l’encours de la dette en monnaie locale est détenu en dehors du Niger par des détenteurs d’autres pays membres de l’UEMOA, au premier rang desquels la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. L’échéancier du service de la dette indique qu’après deux paiements d’intérêts de 1,09 milliard de F.CFA et 1,25 milliard de F.CFA le 29 juillet, le prochain paiement en principal de 12 milliards de F.CFA est dû le 11 août, suivi de 21,5 milliards de F.CFA (32,8 millions d’euros) dus le 8 septembre, 21 milliards de F.CFA dus le 15 septembre et 27 milliards de F.CFA dus le 29 septembre.

Moody’s estime les besoins de financement bruts du Niger à environ 14 % du PIB par an en 2023 et 2024, y compris le service de la dette intérieure en francs CFA, à 7%-9 % du PIB et le service de la dette extérieure à 1 %-2 % du PIB, et un déficit primaire à 4,1 % du PIB et 2,5%, respectivement.

En raison des sanctions, la BCEAO a annulé l’émission du Niger, prévue le 31 juillet, d’un montant cumulé de 30 milliards de F.CFA (45,73 millions d’euros) en émissions à six mois, un an et trois ans de 10 milliards de F.CFA chacune, « ce qui témoigne d’un risque de liquidité accru », commente Moody’s. Un ensemble similaire d’émissions avec les mêmes durées et montants est prévu pour le 17 août, dont l’annulation exacerberait encore les risques de refinancement du Niger.

De leur côté, les bailleurs de fonds internationaux comme la France et l’Union européenne ont déjà suspendu leur soutien financier et leurs engagements de coopération en matière de sécurité en faveur du Niger, et les États-Unis et l’Union africaine menacent de faire de même si l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli rapidement. Les créanciers multilatéraux représentent 54 % du stock de la dette du Niger et les créanciers bilatéraux 8,3 %, la France étant un créancier clé avec 2,5 % de l’encours de la dette, suivie par la Chine avec 2,3 %.

Le Niger a bénéficié de manière significative de dons fiscaux d’environ 5 à 5,5 points de pourcentage du PIB par an pour améliorer la capacité du gouvernement à générer des recettes intérieures limitées à 10-11 % du PIB, tandis que les prêts concessionnels s’élevant à 3,5 %-4 % du PIB par an en 2023 et 2024 fournissent un soutien financier pour le déficit budgétaire.

 

Un profil peu attractif

Un retrait prolongé de l’investissement et du soutien budgétaire exacerberait le risque de liquidité du gouvernement et pèserait sur la solidité budgétaire du Niger au fil du temps, tandis que le retrait de la coopération en matière de sécurité compromettrait l’un des principaux soutiens au crédit de l’État souverain.

Le profil de crédit du Niger est déjà limité par la petite taille de l’économie (15,4 milliards de dollars en 2022), le troisième PIB par habitant faible, et une croissance volatile due à l’exposition importante de l’économie aux chocs liés au climat et aux conditions dans les secteurs agricole et minier (minerai d’uranium, or artisanal, et pétrole). Un taux de fécondité très élevé de 6,7 naissances par femme en 2021 pèse sur les niveaux de revenu par habitant et crée des problèmes de santé et d’éducation, comme en témoigne le fait que le Niger se situe à l’avant-dernière place de l’indice de développement humain des Nations unies en 2021.

@ABanker

Écrit par
Laurent Soucaille

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