Cemac : Quels liens entre la finance et le PIB?

Face au défi de crise « systémique », il est intéressant d’analyser les mécanismes qui relient la finance et l’économie dite « réelle ». Dans quelle mesure les banques peuvent-elles jouer un rôle contracyclique ? Des pistes de réflexions à partir du cas de l’Afrique centrale.
Par Laurent Soucaille
Quels sont les liens entre les fonds propres des banques et la croissance économique, s’interroge Julie Onomo Betsama, analyste pour la BEAC, qui prend en exemple les pays de la zone Cemac.
Un exemple intéressant tandis qu’on s’interroge sur le bien-fondé des règles prudentielles, notamment en situation de crise, en Afrique.
Connaître l’imbrication de la sphère financière et de la sphère réelle est essentiel à la définition d’une politique macroprudentielle cohérente avec le cadre de politique économique global.
Globalement constitués du capital investi, des réserves, du résultat de l’exercice et des résultats en attente d’affectation, les fonds propres constituent, pour les banques, une contrainte majeure. La réglementation prudentielle (ratio Cooke devenu Bâle 3) définit un niveau minimal pour les établissements de crédits. En zone Cemac, les fonds propres doivent représenter au moins 8% des risques de crédit.
Le suivi de l’évolution des fonds propres des banques, principal indicateur de solvabilité, revêt, de ce fait, un intérêt crucial compte tenu des conséquences potentielles de la faillite d’une banque sur le système financier.
Plusieurs constats révèlent le lien étroit entre la stabilité du système financier et la performance de l’économie. On a observé la concomitance des crises économiques et bancaires survenues dans plusieurs pays africains, à partir de la fin des années 1980.
De même, la crise financière de 2008 et ses répercussions dans la sphère réelle a permis de mettre en évidence l’interrelation entre les variables financières et économiques.
L’analyse se penche sur le lien entre la croissance économique (PIB) et le système financier (ratio fonds propres / total de bilan). Sachant que le capital social est une composante relativement stable des fonds propres, on peut penser que la variation des fonds propres est imputable à la volatilité des réserves bancaires.
Baisse des crédits et consommation
En premier lieu, un choc se transmet par le bilan des emprunteurs : tout choc qui affecte la valeur nette d’un emprunteur (chute de la demande, difficulté de production, etc.) affecte la qualité de sa signature.
Par-là, le coût de ses financements en est affecté, ce qui peut mener de façon systémique à une baisse de la demande agrégée (donc de la croissance économique).
De même, un choc émanant de la sphère financière conduisant à la baisse des prix des actifs (afflux de créances douteuses, par ex.), pourrait diminuer la capacité de financement des emprunteurs, puisque ces actifs servent potentiellement de collatéral. Cette baisse des financements pourrait ainsi entraîner une baisse de la production et de la consommation.
En conséquence, la capacité des emprunteurs (généralement les firmes et les ménages) à s’endetter est fortement liée à l’évaluation qui est faite de leur patrimoine.
Tout choc (financier ou en lien avec la demande agrégée) susceptible d’affecter la valeur de leur patrimoine affectera le coût de leur endettement. En retour, cela impactera le niveau de leur consommation et par là la demande agrégée. Ce canal met en évidence la présence d’un accélérateur financier des cycles.
Un cercle tantôt vertueux, tantôt vicieux
En second lieu, les tendances peuvent se transmettre par le bilan des banques. En effet, un choc négatif affectant le bilan des institutions financières (restriction des critères de solvabilité de Bâle, par ex.) entraîne une baisse du crédit qui entraîne à son tour un recul de la demande des ménages, des entreprises…
Ce canal suppose l’incapacité des banques à isoler leur offre de crédit face à de tels chocs. Si les banques s’appuient sur le financement externe (Banque centrale, dépôts), un choc de politique monétaire entraîne une contraction du passif des banques, de même qu’une diminution et réorganisation des crédits accordés.
Ces deux « canaux » de transmission entre le financier et le réel sont d’autant plus actifs dans un contexte de forte dépendance au système bancaire. Nous l’avons observé lors de la crise de 2008. Une asymétrie d’échéances (besoin à CT, taux attractifs à LT) ou des ratios de leviers élevés sont des éléments susceptibles d’entraîner un choc sur la liquidité.
Lequel peut conduire à un excès d’offre des actifs détenus par les banques, donc de leur prix, ce qui entraîne, par un cercle vicieux, une diminution de la valorisation des actifs bancaires, donc de leur bilan.