Les grands défis des banques pour l’après-Covid

La crise sanitaire a révélé les manques à gagner des banques africaines : clientèle à développer, une dimension numérique négligée et un secteur agricole encore peu financé… Les banquiers africains veulent corriger cette trajectoire et demandent le soutien des autorités monétaires.
Par Nicolas Bouchet
« Les défis sont amplifiés pour les banques africaines. » Défauts de paiement des crédits à la consommation mais aussi des crédits aux entreprises, rationnement par les autorités des crédits nouveaux… ces difficultés ouvrent le tour d’horizon du secteur entrepris par Alain Le Noir, fondateur du Club des dirigeants de banques et d’établissement de crédit d’Afrique.
Le Club considère que les banques doivent se doter d’éléments qui amélioreront leurs campagnes de RSE « La responsabilité sociale de l’entreprise se limitait au sponsoring, au mécénat, à la promotion du genre en interne. La crise a révélé qu’il faut élargir sa conduite ».
Les sociétés financières sont aux prises avec des changements radicaux que le Club entend conseiller et accompagner à l’occasion de la publication de l’ouvrage collectif, Banques africaines : les grands défis. Il a fallu revoir et corriger la rédaction de ses chapitres, lancée en 2019, à l’aune de la crise de la Covid-19.
« Les auteurs se sont prêtés au jeu de l’actualisation », confie Dhafer Saidane (SKEMA Business School), qui en a codirigé la publication. Les spécialistes, présents lors d’un webinaire tenu le 26 février, ont restitué les recommandations de leurs chapitres respectifs. En premier lieu, les banques devraient viser l’élargissement de leur clientèle.
S’ils n’ignorent pas que l’argent se gère majoritairement sans compte par les services de M-Pesa ou d’Orange Mobile Money, les financiers ambitionnent la montée en volume des comptes bancaires formels. « Les banques doivent cesser la cueillette et la chasse et penser à la culture de leurs clients », affirme Jonas Komlan Siliadin (Carmen Dall) pour qui les comportements zappeurs doivent conduire les sociétés à trouver les moyens de les fidéliser.
Citant l’exemple tunisien, Ahmed El Karm (Amen Bank) souligne l’urgence de faire entrer les 40% de la population sans compte dans le circuit bancaire et avec eux un volume estimé de « 15,5 milliards de dinars, 5,1 milliards d’euros, détenus en billets qui ne contribuent pas au financement de l’économie ».
Il s’agit surtout de développer des produits attractifs et de nouveaux services. « La diversification des services participe au phénomène de l’inclusion financière », donne pour encouragement le professeur d’économie Désiré Avom (Université de Dschang, au Cameroun). Des innovations de procédés amèneraient les banques à plus de proactivité envers leurs nouveaux clients mais aussi à fidéliser les relations existantes.
Soutiens au secteur agricole
Il est aussi question des diasporas, que le Club voudrait voir confier davantage leur épargne aux banques du continent afin qu’elle y travaille, en particulier au Maroc et au Mali. La seconde préoccupation des banquiers va au financement des PME, en particulier des exploitants agricoles.
« Nos opérateurs sont à 90% des PME, il faut les accompagner correctement », indique Jean-Luc Konan (Cofina). Le spécialiste de la mésofinance rappelle que les activités des PME africaines ont cessé du jour au lendemain en les laissant « avec peu de liquidités, et peu de perspectives ».
Leur financement devrait reprendre de manière d’autant plus urgente que « 33 000 jeunes arrivent sur le marché de l’emploi chaque jour, un tiers seulement trouvera des emplois formels, tandis que 20 000 créeront leur PME ou rejoindront la bombe à retardement du chômage ».
Pour Moussa Diallo (BNDA, Mali), la population active étant majoritairement occupée dans le secteur agricole, c’est là que les PME doivent être soutenues « par l’évaluation nécessaire des besoins à court terme des campagnes agricoles, de l’équipement des exploitants… le système bancaire doit ensuite jouer son rôle d’adéquation entre offre et demande ».
Il voit les banques doter les exploitants d’outils numériques pour suivre à distance leur situation, demander un crédit… en somme être en relation avec leur banquier. Le Club constate donc le secteur accélérer la numérisation de ses activités.
« Nos Fintech sont de plus en plus compétentes pour la monétisation et la numérisation », affirme le banquier et ancien ministre sénégalais Amadou Kane. Volontairement provocateur, il voit la capacité technologique comme le premier pas vers de nombreux et nécessaires « regroupements de banques ».
Mais c’est selon lui avec l’apparition de grands établissements africains que l’on pourra combler l’« écart de 100 milliards de dollars de financement d’infrastructures et de projets miniers qui demandent des mises importantes ». La numérisation de l’activité signifie cependant la disparition de divers métiers et d’emplois.
Un mal nécessaire, aux dires d’Ahmed El Karm (Amen Bank), pour des établissements qui doivent faire face à la concurrence rude des néo-banques, aux coûts fixes minimes, et à la mise sur le marché de moyens de paiement dématérialisés mis à disposition par les GAFA.