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La Cop27 doit tenir ses promesses

La Cop27 doit tenir ses promesses
  • Publiénovembre 7, 2022

Pas de prospérité sans réponse à l’urgence climatique, juge Patrick Verkooijen. Le directeur général du Centre global pour l’Adaptation explique pourquoi, durant la COP27, il fait pression sur les dirigeants mondiaux pour qu’ils s’engagent à fournir les ressources financières dont l’Afrique a besoin.

 

Le monde est en pleine crise économique, mais pour Patrick Verkooijen, directeur général du Global Center on Adaptation (GCA), ce serait une grave erreur de laisser de côté la question du changement climatique. Non seulement parce que les coûts du changement climatique sont insupportables à imaginer, en particulier pour les pays du monde en développement qui sont les moins responsables mais les plus touchés, mais aussi parce que le rendement économique de l’investissement dans l’adaptation est si important.

Selon ses estimations, un dollar investi dans les services d’information météorologique et climatique peut rapporter de 4 à 25 dollars. Un dollar investi dans la résilience de l’eau et de l’assainissement permet non seulement de sauver des vies, mais aussi de générer 2 à 12 dollars d’avantages économiques.

« En fin de compte, il n’y a pas de moyen de prospérer sans faire face à l’urgence climatique. Le choix est donc très simple : soit nous retardons maintenant et nous finirons par payer plus tard, soit nous planifions et prospérons. Certains appellent cet événement la COP de l’Afrique, mais ce qu’il doit vraiment être, c’est la COP de la mise en œuvre. »

L’Afrique perd entre 7 et 15 milliards de dollars par an en raison du changement climatique. Si l’on considère que les pays ont réussi à réunir des milliers de milliards de dollars pour soutenir leurs économies pendant la crise de la Covid-19, l’adaptation ne devrait pas être si difficile à vendre. Mais elle l’est toujours.

Le Centre pour l’Adaptation a été lancé en 2018 dans le but d’intégrer l’adaptation dans l’élaboration des politiques nationales afin de stimuler la résilience et, au final, d’économiser des vies et des ressources. Depuis son siège dans la ville néerlandaise de Rotterdam, elle noue des alliances avec des organismes publics et privés du monde entier, en impulsant une action commune en faveur de sa mission d’adaptation. En septembre 2022, elle a accueilli le Sommet africain sur l’adaptation afin de mobiliser davantage d’engagements en faveur de projets d’adaptation sur le continent.

Patrick Verkooijen n’est pas étranger à ces efforts, puisqu’il a assumé diverses fonctions au cours des trois dernières décennies. En tant que représentant spécial de la Banque mondiale pour le changement climatique, il a pu obtenir le soutien des dirigeants mondiaux en faveur de l’extension de la tarification du carbone pour couvrir 25 % des émissions mondiales d’ici à 2030.

Patrick V. Verkooijen

Il se dit toujours plus déterminé à faire avancer les objectifs inscrits dans l’accord de Paris sur le climat. Même si tous les engagements sont tenus, il semble que le monde pourrait ne pas être en mesure de limiter la hausse des températures à 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels. Cela aura des conséquences directes et désastreuses pour les populations africaines, qui contribuent le moins au réchauffement de la planète et qui ont pourtant le plus à perdre de la hausse des températures.

Des dix pays les plus vulnérables du monde, neuf se trouvent en Afrique. Patrick Verkooijen estime que le reste du monde doit reconnaître l’exposition de l’Afrique et respecter les engagements qu’il a lui-même pris.

L’un de ces engagements est le financement. L’adaptation coûte cher. Selon les estimations de Patrick Verkooijen, la mise en œuvre d’une agriculture intelligente sur le plan climatique en Afrique subsaharienne coûtera 15 milliards de dollars par an. Si cela peut paraître décourageant, le coût de l’inaction l’est encore plus.

« Le coût économique de l’inaction s’élèvera à 200 milliards de dollars par an. Il est tout à fait logique, d’un point de vue économique, d’investir dans une agriculture intelligente sur le plan climatique, mais il est nécessaire que la communauté internationale finance ce coût initial de 15 milliards de dollars par an. » 

 

L’accès crucial aux fonds

Actuellement, seuls 11 milliards $, provenant principalement des banques multilatérales de développement et des gouvernements nationaux, sont consacrés à l’adaptation en Afrique, soit bien moins que les 52 milliards dont le continent a besoin dans tous les secteurs. Comme ce déficit de financement s’accroît de manière exponentielle chaque année, il est nécessaire de trouver davantage d’argent auprès d’autres sources, notamment le secteur privé et les marchés capitaux internationaux. Néanmoins, même s’il existe de fortes incitations économiques, une grande partie du financement devra être concessionnelle ou basée sur des subventions, du moins dans un premier temps.

Des fonds sont disponibles auprès de sources telles que le Fonds vert pour le climat, mais les pays africains ne sont pas en mesure d’y accéder en raison de la complexité de la procédure d’accréditation.

Patrick Verkooijen en compagnie du président Macky Sall

 

Pour remédier à cela, la GCA, par le biais du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP), fournit l’assistance technique dont les nations et les institutions ont besoin pour accéder à ces fonds. En outre, elle les aide également à élaborer les propositions complexes qu’ils doivent présenter pour obtenir les financements indispensables là où ils sont le plus nécessaires, c’est-à-dire en Afrique, qu’il qualifie de « Ground Zero » de l’urgence climatique. Pour Patrick Verkooijen, les connaissances et les idées locales ne peuvent être ignorées.

« Les personnes les mieux équipées pour comprendre l’impact du climat sur les communautés locales sont les membres mêmes de ces communautés. Elles sont les mieux placées pour savoir et elles devraient avoir un rôle beaucoup plus important dans la détermination de l’utilisation de ces ressources. »

L’adaptation dirigée localement prend racine en Afrique, permettant aux communautés locales d’avoir leur mot à dire sur la façon dont leurs problèmes sont traités. Bien qu’il y ait encore du chemin à parcourir, la GCA a accepté de jouer le rôle de lien entre les financiers, les gouvernements nationaux et les communautés locales.

Outre le plaidoyer, la définition de l’agenda et la fourniture de preuves pour étayer son action, la GCA est également impliquée directement dans la planification de l’adaptation. Cela signifie concevoir et activer des programmes de développement en tenant compte de la perspective climatique. Verkooijen en donne un exemple : « Si la Banque mondiale développe un programme d’infrastructure au Ghana, il est vital de prendre en compte non seulement les inondations d’aujourd’hui mais aussi les inondations de demain. Et c’est ce que nous faisons. Nous devons donc être présents sur le terrain lorsque ces programmes sont en cours d’élaboration, afin de fournir une perspective climatique et des preuves pour que les meilleures adaptations, celles qui ont été testées, soient utilisées. »

En compagnie du président Félix Tshisekedi de RD Congo.

 

L’AAAP, qui est une initiative conjointe de la GCA et de la Banque africaine de développement, s’efforce également de mobiliser 25 milliards $ d’ici à 2025 pour accélérer l’adaptation au climat en Afrique. Au cours des 18 derniers mois, elle a exercé son influence sur environ 3,5 milliards $ d’investissements dans les infrastructures résilientes, l’agriculture intelligente et l’entrepreneuriat des jeunes.

 

Principale priorité de la Cop27

Même s’il s’agit d’un montant relativement faible au regard des besoins, Patrick Verkooijen en est fier, tout comme il est fier que ses activités conduisent directement à la création d’emplois pour les jeunes Africains dans des domaines liés à l’adaptation. « En fin de compte, l’adaptation peut sembler abstraite, mais il s’agit en réalité d’emplois, de croissance, de santé et de développement. Les réussites doivent donc être évaluées en fonction de ces paramètres. »

En ce qui concerne la Cop27, Patrick Verkooijen est très clair sur ce qui doit être entrepris : « Une COP africaine ne peut que signifier adaptation, car il s’agit de la principale priorité du continent africain. »

Lors du sommet de septembre, qui était coprésidé par le président de l’Union africaine Macky Sall, dirigeants politiques du continent se sont ralliés à l’urgence de financer l’adaptation en Afrique. Pour Patrick Verkooijen, cela ne peut signifier qu’une chose : « La COP27 doit tenir ses promesses en matière d’adaptation pour l’Afrique en matière de financement. Et étant donné que le PAAA a été approuvé par l’UA et donc par le continent, le test décisif du succès ou de l’échec de la COP27 est de savoir s’il sera capitalisé par la communauté mondiale. »

Les dirigeants du monde devront, pendant la Cop27, s’engager à fournir les ressources dont l’Afrique a besoin pour s’adapter. 

Lorsqu’on lui demande s’il reste optimiste ou inquiet, après avoir vu comment les choses ont évolué au cours des deux dernières décennies, Patrick Verkooijen répond qu’il préfère s’en tenir aux faits qui sont devant nous aujourd’hui. Sur une note plus optimiste, il est convaincu que le message trouvera un écho là où il le faut, car malgré les priorités concurrentes dans un environnement mondial complexe, il n’y a vraiment aucune voie d’avenir pour le monde qui ne passe pas par l’adaptation.

« En fin de compte, il n’y a pas de moyen de prospérer sans faire face à l’urgence climatique. Le choix est donc très simple : soit nous retardons maintenant et nous finirons par payer plus tard, soit nous planifions et prospérons. Certains appellent cet événement la COP de l’Afrique, mais ce qu’il doit vraiment être, c’est la COP de la mise en œuvre. »

@NA

Écrit par
Omar Ben Yedder

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