Afrique : Quid des droits de tirages spéciaux ?

Les pays africains étant à court de dollars, des droits de tirage spéciaux peuvent fournir des liquidités à leurs banques centrales, mais uniquement si les actionnaires du FMI donnent leur accord.
Par rédaction
Les discussions de ces dernières semaines sur la scène internationale ont porté sur l’allégement de la dette. Qu’il s’agisse de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), du groupe de travail de l’Union africaine (UA) ou de différents gouvernements, l’appel a été de fournir aux pays africains la puissance de feu nécessaire pour faire face à la double crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de la Covid-19.
Il y a eu des appels en matière d’allégement de la dette, principalement par le report des prêts et des paiements d’intérêts dus au cours des deux prochaines années. Les pays et les agences multilatérales ont répondu positivement à l’appel et en principe, dans une large mesure, l’ont accepté, bien que les termes restent à préciser.
Le grand avantage des DTS est qu’ils sont des actifs très liquides et s’ils sont déployés efficacement dans les pays en développement, ils peuvent réellement soutenir la liquidité et atténuer la pression sur les banques centrales et les économies locales.
Les calculs à ce sujet sont assez simples : Au cours de la prochaine année, les pays africains auront environ 44 milliards de dollars d’intérêts et de remboursements de prêts.
En mettant ces derniers en sourdine, les gouvernements peuvent user de ces fonds pour fournir des stimulants fiscaux afin d’aider les plus défavorisés et de soutenir les entreprises qui ont été touchées par la pandémie. Un autre instrument qui a été mentionné, mais n’a pas retenu la même attention est celui des droits de tirage spéciaux (DTS). Mais que sont les DTS et comment fonctionnent-ils?
Le contexte
Commençons d’abord par le contexte : La Covid 19 a affecté de nombreux secteurs de l’économie, impactant négativement la balance des paiements et l’accès aux devises. Parce que la moitié du monde est en mode confinement, la demande de certains produits a chuté de façon drastique. C’est le cas du brut : le brut Brent est passé de 67 $ au début de l’année à 20 $ en mai 2020. Les autres indicateurs sont encore plus bas.
C’est important : les huiles de pétrole représentaient 40% des exportations africaines l’année dernière selon la CEA et pour ces pays, le secteur représentera souvent 90% environ des recettes en devises de ce pays. Mais l’impact ne se limite pas simplement aux produits de base.
Par exemple, l’industrie horticole du Kenya a été touchée. Il exporte pour 1 milliard de dollars de fleurs par jour, mais cela a été réduit. Le tourisme est décimé et ne devrait pas reprendre rapidement, affectant les pays, du Maroc au Mozambique et aux îles de l’océan Indien.
Facteur aggravant, la fuite de capitaux (connue lors de la crise financière de 2008). Les premières semaines de la crise de la Covid-19 ont vu une fuite de capitaux de 100 milliards de dollars, les investisseurs ayant retiré leurs investissements, même si les marchés émergents tels que le Brésil et l’Argentine ont été les plus touchés. Mais l’Afrique du Sud a vu sa monnaie chuter de 25%.
Accès aux dollars
Dans ce contexte, les pays ont encore besoin de devises pour leur permettre d’importer des produits essentiels, qu’il s’agisse de denrées alimentaires, de carburant et de produits médicaux. Les droits de tirage spéciaux, souvent appelés «papier d’or», permettent aux banques centrales d’accéder aux dollars par le biais du FMI, ce qui leur donne des liquidités en devises. Mais comment fonctionnent-ils ?
Les DTS font partie des réserves de change des pays et peuvent être vendus ou utilisés pour des paiements à d’autres banques centrales. Le FMI émet les DTS, mais doit requérir l’approbation des actionnaires, c’est-à-dire les pays membres.
Le grand avantage des DTS est qu’ils sont des actifs très liquides et s’ils sont déployés efficacement dans les pays en développement, ils peuvent réellement soutenir la liquidité et atténuer la pression sur les banques centrales et les économies locales.
Il y a un hic. Les allocations de DTS sont effectuées selon les quotas du FMI (c’est-à-dire les parts du FMI), ce qui signifie que seule une petite fraction des DTS alloués serait disponible pour les économies en développement et émergentes (environ 40%).
Ils sont négociables (c’est-à-dire que les DTS d’un pays peuvent être donnés à un autre), mais ils sont un instrument que les États-Unis veulent limiter, car ils craignent que ces réserves supplémentaires inconditionnelles puissent être utilisées par des pays rivaux ou ennemis tels que la Chine et l’Iran, soit directement, à partir de ce que leur quota leur permet d’accéder, ou indirectement, par le commerce avec un autre gouvernement.
Un certain nombre d’économistes et de dirigeants tels que Gordon Brown, George Soros ou Lawrence «Larry» Summers demandent au FMI d’émettre des DTS supplémentaires et aux économies avancées de transférer volontairement une partie ou la totalité de leurs DTS vers les pays à revenu faible ou intermédiaire.
En 2009, les dirigeants mondiaux ont ponctionné 250 milliards de dollars supplémentaires de DTS et cette crise aurait un impact de plus en plus profond sur l’économie mondiale. Larry Summers appelle à un billion de dollars supplémentaires en DTS.