Une nouvelle banque au service du monde agricole

Promesse électorale du président Roch Marc Christian Kaboré, la nouvelle Banque agricole du Faso constitue un appui considérable pour le financement et la modernisation du secteur agricole, qui occupe plus de 80 % de la population active.
Ouagadougou, Rodrigue Arnaud Tagnan
Depuis la disparition, il y a une dizaine d’années, de la Banque agricole et commerciale du Burkina (BACB), le Burkina Faso ne disposait plus d’une structure spéciale dédiée au financement du secteur primaire.
En procédant au lancement officiel, le 29 mars 2019, des activités de la Banque agricole du Faso (BADF), le chef de l’État répond à une vieille revendication du monde paysan. Tout en respectant un des engagements importants de sa promesse de campagne en 2015.
Dans le Plan national de développement économique et social (PNDES), Roch Marc Christian Kaboré s’était engagé à transformer structurellement l’économie burkinabè en modernisant l’agriculture.
Un secteur pourvoyeur d’emplois à plus de 80 % de la population active et contribuant à 30 % de la formation du PIB. Toutefois, d’après les chiffres officiels, seulement 15 % des producteurs ont actuellement accès aux crédits bancaires.
Une incongruité que déplore Bassiaka Dao, président du Conseil d’administration de la Confédération paysanne du Faso (CPF). Tout en exprimant sa satisfaction concernant l’opérationnalisation de cette nouvelle structure, ce dernier espère que le BADF contribue à faire de l’entrepreneuriat agricole une réalité au Burkina Faso, en permettant aux acteurs de la filière d’avoir des revenus décents.
« Compte tenu de l’absence de structures d’appui adaptées, le régime agricole burkinabè demeure pour l’essentiel un régime de rente et de subsistance. Avec cette banque, nous pensons pouvoir dynamiser les coopératives agricoles et accroître la productivité », confiait-il en mars 2018, lors de l’obtention de l’agrément, auprès de la commission bancaire de Uemoa, pour la création de cette importante institution financière.
Faciliter l’accès aux crédits
De son côté, le président du Burkina Faso, à qui l’on doit l’existence de cette structure, souhaite que la BADF participe à l’accroissement du taux de bancarisation du monde rural.
Bien que tournée essentiellement vers le financement de la filière agro-sylvo-pastorale, la Banque agricole du Faso reste ouverte à d’autres secteurs structurants de l’économie burkinabè. Seule condition d’éligibilité, selon le président du Conseil d’administration de l’établissement : « Avoir un projet bancable ».
Avec 14 banques présentes sur le territoire (hormis cette dernière-née), le taux de pénétration bancaire du Burkina Faso, à 20 %, demeure l’un des plus faible de l’espace Uemoa.
« La banque doit être un instrument important pour permettre à nos paysans et éleveurs de pouvoir bénéficier de financements adéquats pour, non seulement s’équiper, mais aussi développer leurs activités », souligne Roch Marc Christian Kaboré.
Pour Mamadou Sérémé, président du Conseil d’administration de la BADF, cette institution va, en plus de faciliter l’accès des producteurs aux crédits bancaires, favoriser l’épargne des agriculteurs et
des organisations paysannes. « À travers un mécanisme spécial, la banque pourra financer le développement de toute la filière agro-sylvo-pastorale, soutenir les jeunes producteurs, les femmes et la transformation des produits agricoles, et financer les unités de productions pour constituer toute la chaîne de valeurs : production-transformation et commercialisation », détaille-t-il.
Dotée d’un capital de 14 milliards de F.CFA (21,3 millions d’euros), la BADF est portée par un total de 96 actionnaires. L’État burkinabè reste l’actionnaire majoritaire, avec trois sociétés : le Fonds burkinabé de développement économique et social (FBDES), la Loterie nationale burkinabè (LONAB) et la Caisse de retraite des fonctionnaires (CARFO). Le privé y est représenté à travers huit sociétés et 70 personnes physiques.
Nommé à la tête de cette nouvelle banque, Séraphin Kolaga, ancien patron de la défunte BACB, rassure sur la viabilité d’une telle institution au Burkina Faso.
Le potentiel de financement du secteur agricole reste énorme ; par exemple, le seul coût de commande des intrants par l’État dépasse, chaque année, 300 milliards de F.CFA (457,4 millions d’euros).
Gestion participative
Tirant leçon de l’échec des précédentes initiatives, comme celle de la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA) et de la BACB, cédée en 2008 à Ecobank, la BADF a privilégié le modèle participatif avec l’implication des structures paysannes dans les organes de gestion.
Treize organisations paysannes devraient, à terme, faire partie du capital. En attendant, celles-ci disposent de trois représentants sur les dix administrateurs que compte le Conseil d’administration. « La banque a en vue d’entreprendre un projet d’actionnariat populaire pour lever des fonds au niveau du monde rural afin que tous ceux qui désirent entrer dans le capital puissent le faire », soutient Mamadou Sérémé.
Outre son siège à Ouagadougou, la BADF prévoit d’ouvrir, dans l’immédiat, ses portes à Bobo-Dioulasso, deuxième ville et capitale économique, et à Dédougou, chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun, qualifiée de « grenier du Burkina Faso ».
Pour accompagner la BADF dans ses activités, la BAD a mis à sa disposition un financement de plus de 6 milliards de F.CFA (9,15 millions d’euros). Cette somme est destinée, entre autres, à la création d’une assurance pour le remboursement des crédits contractés par les producteurs en cas de calamités naturelles, et d’un système de crédit stockage (warrantage) pour favoriser l’accès des petits producteurs aux emprunts.
Bien que tournée essentiellement vers le financement de la filière agro-sylvo-pastorale, la Banque agricole du Faso reste ouverte à d’autres secteurs structurants de l’économie burkinabè. Seule condition d’éligibilité, selon le président du Conseil d’administration de l’établissement : « Avoir un projet bancable ».