La BOAD reste solide

Les analystes financiers renouvellent leur confiance envers la BOAD (Banque ouest-africaine de développement). Ils refusent de pronostiquer une détérioration significative de ses encours de crédits, en dépit de la crise actuelle. Reste l’hypothèque de la fin du franc CFA.
Par Laurent Soucaille
L’agence Moody’s Investor Service confirme sa notation « Baa1 » assortie d’une perspective « stable » à l’égard de la BOAD (Banque ouest-africaine de développement). Ce maintien reflète « la forte liquidité » des fonds propres et « le soutien des actionnaires envers son mode de gestion ».
Ces notations confirmées permettent à l’institution « de renouveler son message de confiance aux investisseurs internationaux qui accordent à la BOIT depuis cinq ans des concours financiers pour le financement de ses interventions en faveur de ses membres ».
Ce, en dépit d’une détérioration prévisible de ses actifs, en raison de la crise actuelle. De son côté, l’agence Fitch maintient son rating mais lance un message de prudence pour l’avenir, en raison des liens entre les institutions ouest-africaines et la France, à l’heure de la remise en cause du franc CFA.
Selon Moody’s, la décision de la BOAD d’entrer dans une phase de consolidation après le doublement de son portefeuille d’actifs de développement entre 2013 et 2017 « maintiendra son levier à des niveaux solides ». Sa capacité de prêt restera intacte, donc.
« La banque a rapidement décaissé des fonds d’urgence à tous les États membres en réponse à l’épidémie de coronavirus », commente Lucie Villa, vice-présidente de Moody’s, coautrice de la note rendue publique le 25 mai. « Cette initiative – couplée à la détérioration probable de la performance des prêts au secteur privé –, affaiblira l’adéquation des fonds propres de la BOAD, mais seulement de manière marginale. » En effet, les analystes attendent de la banque qu’elle prenne des mesures d’accompagnement.
Moody’s s’attend à ce que la banque stabilise ses ratios d’adéquation des fonds propres, et conserve ainsi le soutien des actionnaires, en particulier de la Bceao (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). Cependant, Moody’s « pourrait abaisser sa notation si l’apport en capital venait à se détériorer ».
Petit conseil de l’agence : la création d’un solide historique des « prêts non performants » et de la gestion des émissions de titres de créance sur les marchés des capitaux « serait positive pour le profil de crédit de la banque ». De même, une participation plus forte d’actionnaires non régionaux plus forte serait également positive aux yeux de l’agence américaine.
Des facteurs exogènes
Du côté de la BOAD, on indique que cette note maintenue « vient confirmer la solidité des fondamentaux de la banque, malgré les effets induits par la pandémie de la Covid-19 qui touche les économies des pays de la zone Uemoa ». Selon la banque, « il s’agit d’un satisfecit pour l’institution dont la note a été confirmée année après année depuis maintenant cinq ans par les agences de notation internationales ».
La BOAD fait allusion au fait qu’à l’issue de sa revue annuelle, l’Agence Fitch a également confirmé sa note « BBB », trois jours avant Moody’s. Note néanmoins assortie d’une perspective négative liée à la prise en compte « de facteurs macroéconomiques exogènes » à la banque, de même qu’à l’Uemoa. « Cette implication ne remet nullement en cause les fondamentaux de la banque, de même que la qualité intrinsèque de sa signature qui demeure l’une des cinq meilleures sur le continent africain sur la base de son rating », se félicite la BOAD.
En effet, l’agence Fitch précise que la révision en baisse des perspectives est motivée par le risque d’affaiblissement de son appréciation du soutien de la banque par ses actionnaires, après la révision de la perspective de la France (toujours notée « AA ») à « négative ». Appréciation qui rejoint le rôle joué par la France dans le système monétaire en franc CFA, en tant que pays garant de la convertibilité de la monnaie contre l’euro. Une dégradation – hypothétique – de la notation de la France affecterait l’évaluation par Fitch de la qualité de crédit d’un important actionnaire de la BOAD et de la Bceao, laquelle détient 47% du capital de la BOAD.
Rien de tel pour l’heure : comme chez Moody’s, la notation de Fitch est principalement motivée par « le soutien exceptionnel » de ses actionnaires, la Bceao et la Côte d’Ivoire (6% du capital).
Une garantie de la France limitée ?
La capacité de la BCEAO d’exploiter les ressources fiscales qu’elle gère au nom des États membres régionaux, pour garantir le suivi des augmentations de capital, se traduit par une propension « exceptionnelle » des actionnaires à soutenir l’établissement.
Elle a achevé son plan stratégique 2013 -2019 en décembre, avec 2 281,5 milliards de FCFA (3,4 milliards d’euros) d’engagements cumulés sur la période. Elle s’attelle à boucler son nouveau plan stratégique quinquennal qui couvrira la période 2021-2025 avec « des ambitions toujours plus proches des attentes de ses pays membres et des besoins des populations, tout en prenant en compte la problématique spécifique de la Covid-19 ».
La garantie de convertibilité du F.CFA (ou de l’éco) en euro fournie à la Bceao par le Trésor français permet un accès continu aux devises en cas d’épuisement du pool régional de réserves internationales. Cependant, Fitch considère que la garantie est destinée à être utilisée uniquement comme « apport de liquidité pour de courtes périodes de stress aigu ». De l’avis de Fitch, il est peu probable que la France fournisse indéfiniment des euros au taux de parité fixe, même si les documents juridiques font référence à la garantie comme étant illimitée, car cette décision pourrait « entraîner un aléa moral et être politiquement controversée en France ».
D’autre part, Fitch sera attentif, ces prochains mois, à un éventuel affaiblissement du soutien des actionnaires, ou à une détérioration de la solvabilité, induite par un risque crédit plus élevé.
Une gestion validée
Fitch suppose que les principales caractéristiques de l’Uemoa et de l’arrangement monétaire avec la France, y compris l’ancrage à l’euro, les réserves régionales mises en commun et la garantie de convertibilité du franc CFA en euro, resteront inchangées à moyen terme. L’agence spécule également que la parité fixe du franc CFA (ou de l’éco) ouest-africain avec l’euro restera inchangée.
Le président de la BOAD, Christian Adovelande, prend acte de ces confirmations. Elles permettent à l’institution « de renouveler son message de confiance aux investisseurs internationaux qui accordent à la BOAD depuis maintenant cinq ans des concours financiers pour le financement de ses interventions en faveur de ses États membres ». Ces interventions se déroulent « sous forme d’emprunts dont le montant cumulé au fil des années s’élève à plus de 1 400 milliards de F.CFA » (2,1 milliards d’euros).
« À travers la reconduction de ces notes, c’est l’excellente gestion de l’institution qui est reconnue une fois de plus au plan international, la parfaite exécution des missions qui sont dévolues à l’institution qui est relevée, mais aussi la solidité de sa politique de gestion des risques qui est ainsi récompensée. »
En 47 ans d’existence, la BOAD a financé plus de 1 200 projets pour le compte des États membres et des entreprises du secteur privé de l’Uemoa, pour un montant total d’engagements de 5 817,8 milliards FCFA (8,87 milliards d’euros) toutes opérations confondues.
Elle a achevé son plan stratégique 2013 -2019 en décembre, avec 2 281,5 milliards de FCFA (3,4 milliards d’euros) d’engagements cumulés sur la période. Elle s’attelle à boucler son nouveau plan stratégique quinquennal qui couvrira la période 2021-2025 avec « des ambitions toujours plus proches des attentes de ses pays membres et des besoins des populations, tout en prenant en compte la problématique spécifique de la Covid-19 ».