La BHN face aux besoins de logements sociaux

Le Niger s’est doté d’une banque de l’habitat pour relever le défi du financement des logements sociaux. Une niche trop peu, ou trop mal, explorée dans le pays jusqu’à présent.
Niamey, Sani Aboubacar
Apporter une réponse structurelle et permanente à la problématique de la production et du financement de logements sociaux. » Tel est l’objectif visé à travers la création de la Banque de l’Habitat du Niger (BHN) inaugurée le 14 décembre 2018.
Son directeur général, Rabiou Abdou, la présente comme « un instrument de politique publique important, mais le tour de table englobe des partenaires privés et des partenaires au développement multilatéraux ».
En effet, la structure du capital de la BHN, d’un montant de 10 milliards de F.CFA (15,24 millions d’euros), est composée de la CNSS (la Sécurité Sociale, 25 %), l’État du Niger (20 %), la Société des patrimoines miniers du Niger (20%), Société nigérienne des produits pétroliers (20 %), BoA (8,25 %), Sonibank (5 %), des investisseurs privés (1,25 %) et NIA Assurances (0,5 %). « Cette structure du capital constitue déjà un avantage important, notre actionnariat est crédible », se réjouit Rabiou Abdou.
La BHN, dotée d’un statut de banque universelle, a pour mission d’apporter son concours financier à la promotion immobilière, à la production et à l’amélioration de l’habitat social, à mobiliser les ressources adaptées au financement des projets immobiliers et à offrir toutes les gammes de produits et services innovants.
« Une banque de plus », fait observer Boubacar Hadjia Zeinabou, secrétaire générale du Syndicat des professionnels de l’immobilier du Niger, qui rappelle les déboires du Crédit du Niger et de la BAGRI en 2011.
Un argument que réfute Rabiou Abdou : « Au lieu de se contenter des réponses ponctuelles de portée conjoncturelle, l’État a décidé d’apporter une réponse structurelle de portée permanente à la question de financement et de la production de logements, notamment sociaux. »
Faible financement du système bancaire
Ainsi pour permettre à la BHN de jouer pleinement son rôle de mécanisme permanent de financement de logement, l’État a constitué un Fonds national de l’habitat, domicilié dans la BHN ; le fonds est principalement alimenté par l’État du Niger et par les partenaires extérieurs. Son rôle principal est « de contribuer à faire baisser les prix de l’habitat social par le biais de la bonification des taux d’intérêt, de la garantie des prêts et du refinancement des prêts à l’habitat ».
Le financement de logements est très marginal au sein du système bancaire du Niger. En 2013, le crédit alloué au financement de logements ne représentait que 14,2 milliards de F.CFA. En 2017, ce poste pesait environ 20 milliards de F.CFA (30,5 millions d’euros) représentant 4 % de l’encours total de crédit au sein de l’économie nigérienne.
L’accès au financement reste aussi très limité. Les taux d’intérêt élevés (10 % minimum) privent la majorité de la population de l’accès à l’emprunt pour s’offrir un logement. Seuls 22 % des travailleurs salariés (moins de 1 % de la population totale) ont accès à ce type de financement de logement. « À la BHN, nous prêtons de l’argent pour construire le logement et…
À la BHN, nous prêtons de l’argent pour construire le logement et nous permettons d’étaler le remboursement sur 15, 20, 25 ans. Aux ménages les plus modestes, nous pouvons même proposer un étalement jusqu’à 30 ans.
… nous permettons d’étaler le remboursement sur 15, 20, 25 ans. Aux ménages les plus modestes, nous pouvons même proposer un étalement jusqu’à 30 ans, l’objectif visé est que le prélèvement soit faible, qu’il ne se sente pas sur le salaire », explique le directeur général de la BHN.
Une offre de logements insuffisante
Jusqu’ici, le mécanisme de production et d’accompagnement financier proposés consistait à offrir un financement des logements subventionnés aux fonctionnaires, à travers le Crédit du Niger, qui était en réalité une banque de l’Habitat.
Cette structure a été définitivement liquidée en 2010, remplacée par la Société nationale de l’urbanisme et de construction immobilière (Sonuci), société publique qui fonctionne toujours. Quelques banques commerciales comme la Sonibank, la BIA (Banque internationale pour l’Afrique), la BoA, offrent des prêts logements aux fonctionnaires et salariés, qui sont pour la plupart des clients de ces banques. De son côté, Capital Finance reste la seule institution de microfinance à offrir des produits de financement du logement.
En outre, une dizaine d’entreprises oeuvre dans le secteur de la construction et quelques-unes dans le secteur de l’immobilier. La majorité de ces entreprises concentre ses activités à l’acquisition des terrains auprès des autorités coutumières notamment, la viabilisation et la parcellarisation. Les terrains ainsi viabilisés sont vendus à des personnes ou proposés à des salariés à travers un système de paiement reparti sur plusieurs mois. Ces propriétaires construisent leurs maisons selon leurs moyens.
Le besoin de logement existe bel et bien. En 2011, par exemple, sur un site de logements sociaux de 174 logements disponibles, il a été enregistré en une semaine 600 demandes de logements.
L’INS (Institut national de la statistique) estime la moyenne annuelle de construction de logements à 4 275 dans la ville de Niamey, où plus de 90 % des habitants n’ont pas leur propre logement, et à 11 420 logements pour l’ensemble du milieu urbain du Niger.
Quant aux demandes, elles avoisinent 5 000 logements chaque année pour la ville de Niamey et 40 000 pour l’ensemble du milieu urbain du pays. Les logements construits, aussi bien dans la ville de Niamey que dans les grandes villes du pays, sont à 95 % construits par le circuit informel, seuls 5 % passent par le circuit formel de construction de logement.
À partir de 2011, le gouvernement a, dans le cadre du « Programme de renaissance » du président de la République, prévu la construction de 5 000 logements sociaux en raison de 1 000 logements par an et de viabiliser 10 000 parcelles. « Un défi qu’on n’a pas pu relever jusqu’à présent », regrette Boubacar Hadjia Zeinabou, en ce sens que seuls 1 721 logements ont été réalisés de 2011 à 2016.
« Les agences immobilières n’ont pas été associées. Or quand vous voulez faire en sorte que chaque Nigérien ait un toit, il faudrait adopter des mesures d’accompagnement pour que les agences immobilières puissent s’engager », explique-t-elle.
Toutefois, un autre programme plus ambitieux prévoit la construction de 25 000 logements sociaux en cinq ans à partir de 2016, programme auquel la BHN entend bien participer.