Le gouvernement du Tchad met sur la place publique ses désaccords avec Yaoundé concernant le rachat de parts la société Cotco, gestionnaire de l’oléoduc qui rejoint le port de Kribi, à une compagnie avec laquelle il est en conflit. Explications.
Le Tchad a rappelé « pour consultations » son ambassadeur au Cameroun. Un climat de tensions est entretenu depuis quelques semaines, sous fonds de désaccord pétrolier. N’Djaména s’oppose à la vente de 10% des parts de la société Cotco qui gère un oléoduc reliant les deux pays, à la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun. Ce, alors que dans le même temps, la filiale d’Esso au Tchad fait l’objet d’une nationalisation mouvementée.
Le Tchad a déposé devant la Cemac une demande en conformité pour le rachat des parts détenues dans le secteur pétrolier tchadien par la major malaisienne Petronas (35% du capital).
La compagnie britannique Savannah Energy a acquis, en décembre 2022, pour 381 millions d’euros, la société Esso Tchad, filiale du géant Exxon Mobil. Depuis, le gouvernement du Tchad s’oppose à cette transaction et a décidé de nationaliser Esso Tchad, jugeant que Savannah « ne dispose pas des capacités ni des garanties exigées par le Tchad ». Le gouvernement tchadien avait déjà averti, après le Conseil des ministres du 27 mars, de ses réserves et objections à cette cession, « car le pétrole est un domaine stratégique pour le Tchad, représentant plus de 80% de ses recettes d’exportation ».
S’estimant lésée, Savannah Energy a saisi un tribunal arbitral pour obtenir une indemnisation.
Or, Esso Tchad détient une participation de 41% au capital de Cotco (Cameroon Oil Transportation Company), cette société gérant donc, côté Cameroun, l’oléoduc qui conduit le pétrole tchadien au port de Kribi, par plus de 900 km de pipeline sur le seul territoire camerounais.

Le gouvernement tchadien a donc appris « avec colère », précise la Présidence, que Savannah avait vendu 10% du capital de Cotco à la SNH, pour environ 41 millions d’euros. Selon le Tchad, cette opération sur le capital « entre en contradiction avec les conventions et les statuts de Cotco ». Le Tchad trouve donc inamical que son partenaire trouve un accord avec une compagnie que lui-même rejette.
La Présidence affirme avoir averti à plusieurs reprises le gouvernement camerounais des « agissements inamicaux » de ses représentants au Conseil d’administration de Cotco. Le Tchad dénonce aussi les agissements de personnalités camerounaises proches de Savannah Energy.
Blocage de l’accord avec Petronas
Selon les autorités tchadiennes, le Cameroun n’aurait pas répondu à ses demandes d’explications, laissant « plusieurs lettres sans réponse ».
Selon le site tchadinfo, le Tchad, fort de ses relations avec le Cameroun, attendait une solidarité naturelle. « Car le Tchad s’est toujours rangé du côté du Cameroun chaque fois que cela a été nécessaire », explique un haut cadre de la Présidence. Qui poursuit, selon la même source : « Ce qu’on vient de subir n’est plus ou moins qu’une trahison qui est le fait d’un cercle de lobbying et d’influence au sein de la Présidence camerounaise et qui ne réalise pas les enjeux d’une telle opération. »
D’autre part, précise le communiqué de N’Djaména, le Tchad a déposé devant la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) une demande en conformité pour le rachat des parts détenues dans le secteur pétrolier tchadien par la major malaisienne Petronas (35% du capital). Cette transaction ne fait, cette fois, l’objet d’aucun litige avec des intérêts privés. Or, parmi les pays membres, seul le Cameroun n’aurait pas répondu aux demandes de « non-objection ». Cette réponse, attendue depuis un mois, est nécessaire pour poursuivre l’acquisition des parts de Petronas.
Les liens économiques sont très forts entre les deux pays ; le Tchad dépend fortement du port de Douala pour ses importations de marchandises ; le port camerounais en représenterait 80%. De son côté, Cotco évalue le pétrole brut tchadien transporté en 2022 à 4,5 milliards de dollars. Pour le seul premier semestre de l’année, le Cameroun aurait récolté 18,6 milliards de F.CFA (28,4 millions d’euros) de droits de transit.
@AB