Symposium Démographie-Paix-Sécurité

Les pays du Sahel sont confrontés à de graves crises sécuritaires, démographiques, et aux conflits. Un symposium de haut niveau est réuni pour comprendre les relations entre ces éléments, afin de mieux répondre aux maux de la région.
Par Laurent Soucaille
Comment analyser conjointement et concilier démographie, paix et sécurité ? Le bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (UNFPA / WCARO) organise un symposium sur ce thème, ce 2 décembre 2020. Il réunira des personnalités du monde de la recherche, des représentants de pays africains, des Nations unies, des organisations multilatérales, des organisations de la société civile et du secteur privé, etc.
Ce panel abordera les moyens de concevoir des politiques ou des programmes innovants pour aborder le lien entre sécurité et développement au Sahel. La réunion sera présidée par Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger.
Ces sujets seront examinés dans le cadre des ODD (Objectifs de développement durable) pour 2030 et en particulier dans le cadre de l’objectif 16, qui représente un changement de paradigme dans la politique de développement.
Les pays du Sahel devraient mener des politiques permettant une maîtrise de la dépendance démographique et offrant des débouchés aux jeunes. Dont le niveau d’éducation, combiné à l’utilisation des technologies de communication concourt à renforcer leur besoin d’émancipation et d’un meilleur devenir.
Cette réunion comprendra un examen de la relation empirique entre la démographie, la paix et la sécurité qui n’est pas assez traitée dans la littérature scientifique. La discussion portera sur les questions de planification du développement en période d’insécurité, de conflit et d’extrémisme violent. Elle abordera l’engagement de la communauté internationale et de sa perspective dans l’opérationnalisation du lien sécurité-développement dans les programmes de coopération internationale.
La réunion fournira un forum d’échange d’idées, d’expériences et de connaissances de fond sur ces questions, et proposera des recommandations visant à renforcer la mise en œuvre du programme de capture du dividende démographique.
Les enjeux
Une étude menée par l’UNFPA et l’ENSAE (École nationale de la statistique et de l’analyse économique) de Dakar, tente de modéliser les interrelations entre Paix, Sécurité, Démographie, afin, entre autres objets, d’en tirer un indicateur synthétique. Et bien sûr, d’en tirer des conclusions éclairantes pour les acteurs de terrain.
Quelques grandes conclusions s’en dégagent. Ainsi, met-on en évidence que les pays au niveau élevé de scolarisation au secondaire, un taux d’urbanisation élevé et une bonne performance agricole, sont généralement caractérisés par un niveau de sécurité élevé.
À l’inverse, les pays dans lesquels le chômage des jeunes et les inégalités sont élevés sont ceux les plus touchés par l’insécurité. Il en est de même pour ceux des pays qui subissent un accroissement du niveau de dépendance démographique (mesuré par le nombre moyen de personnes à charge pour une personne en âge de travailler). Sans surprise, les auteurs soulignent que la préservation des ressources naturelles, ainsi que les avancées démocratiques, sont des facteurs de paix.
Au Sahel, le manque de possibilités d’emplois rend les jeunes vulnérables à la traite des êtres humains. En outre, ils sont des cibles faciles, à la merci de groupes armés en quête de nouveaux membres. Tandis que l’insécurité favorise les migrations mal canalisées. Enfin, si la jeunesse est instruite, au Sahel, le manque d’emplois constitue un facteur de fragilités.
Un fort ratio de dépendance
Améliorer l’alphabétisation des jeunes ne suffit pas, donc. Néanmoins, nous pouvons mettre en évidence la corrélation positive entre l’Indice global de paix (IGP) et le niveau d’éducation, le taux d’urbanisation, la performance agricole. L’IGP étant un indice synthétique regroupant des données comme le chômage des jeunes, la surface des terres arables, le PIB, les dépenses de santé, etc. Un moyen de démontrer l’importance de l’éducation dans le développement.
D’autre part, plus le taux de fécondité d’un pays est élevé, plus le rapport de dépendance démographique est élevé. Il en est de même pour la dépendance économique. Car les personnes supposées économiquement actives sont responsables d’un nombre beaucoup plus élevé de personnes à charge, principalement des adolescents, des enfants et des personnes âgées.
Au Sahel, ce ratio de dépendance se situe autour de 85,2%, avec d’énormes disparités. Il s’élève à 97 % au Tchad et au Mali et à 121,2 % au Niger. Parallèlement, dans ces pays, notamment ceux autour du lac Tchad, le niveau de sécurité est faible, à en juger par rapport aux scores enregistrés sur l’IGP.
Qu’en est-il de l’effet de contagion ? Les études mettent en évidence que l’augmentation du niveau de paix et de sécurité d’un pays a un effet positif sur le niveau de paix et de sécurité de ses voisins frontaliers. Ainsi, le partage de frontières communes est très déterminant de la sécurité des pays africains. Certains pays comme la Libye, le Soudan, la Centrafrique, partageant des frontières communes, sont tous en situation très élevée d’insécurité. Bien sûr, ce n’est pas le seul facteur, en témoigne la stabilité de la Tunisie, voisin de la Libye.