Richard Munang, directeur régional adjoint du bureau Afrique du Programme des Nations unies pour l’environnement, affirme que 72 % des nations africaines n’ont toujours pas de plan d’investissement en matière de climat, et soutient que le développement des réserves de gaz ne profitera qu’à quelques pays.
La COP27 de Sharm El-Sheikh met en relief la périlleuse situation environnementale. La sécheresse qui fait rage dans la Corne de l’Afrique a mis plus de 22 millions de personnes en danger de famine. Et les inondations sans précédent au Nigeria ont déraciné 1,4 million de personnes. Ce sont deux exemples de catastrophes nationales sur le continent dues au changement climatique. Richard Munang, directeur régional adjoint du bureau africain du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), affirme que l’Afrique se trouve à un moment critique et que des solutions doivent être trouvées.
Plus de 3 000 milliards de dollars seront nécessaires d’ici à 2030 pour financer les plans d’action climatique dans toute l’Afrique. Et il faudra que les promesses de Glasgow soient tenues.
« À l’heure où nous parlons, le globe se réchauffe de 1,1 degré, mais l’Afrique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Cela signifie que nous allons voir plus de sécheresses, d’inondations et d’autres événements météorologiques extrêmes à venir. Et bien que ces défis se manifestent aujourd’hui sous forme d’urgences, nous devons envisager des solutions à long terme pour nous assurer que nous pouvons faire face au changement climatique, à la pollution, aux déchets et à la perte de biodiversité. »
Selon Richard Munang, la meilleure façon de renforcer la résilience face aux chocs climatiques passe par « l’autonomisation socio-économique ». L’universitaire estime que lorsque les personnes qui vivent dans des zones à risque climatique sont plus riches, elles sont beaucoup mieux placées pour réagir à des schémas météorologiques extrêmes. « Il est difficile d’empêcher les catastrophes de se produire, mais il est possible de les gérer. »
« Beaucoup de gens ne peuvent pas se permettre de souscrire une assurance parce qu’ils n’ont pas d’argent dans leurs poches. La meilleure stratégie pour s’adapter à une situation d’urgence est de les responsabiliser – et vous les responsabilisez en investissant dans des solutions simples en matière d’énergie propre qui améliorent leur vie. »
Dans les zones de sécheresse par exemple, que le capital devrait être investi dans des solutions telles que des séchoirs alimentés par du soja pour empêcher la viande de pourrir.
Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’ampleur réelle de l’impact économique, les économies africaines perdent chaque année de 5 à 15 % de croissance du PIB par habitant en raison du changement climatique. L’un des principaux objectifs du PNUE en Afrique est d’aider les pays à débloquer des fonds pour les plans climatiques nationaux. « Ce que nous faisons, c’est aider les pays africains à transformer les plans d’action pour le climat en plans d’investissement – car 72 % des nations africaines n’ont pas de plans d’investissement en matière de climat ».
Plus de 3 000 milliards de dollars seront nécessaires d’ici à 2030 pour financer ces plans d’action climatique dans toute l’Afrique. L’un des moyens d’accroître les financements consiste à créer des mécanismes de partage des risques afin d’inciter les banques commerciales à prêter aux entreprises respectueuses du climat à des taux très bas.
Priorités de la COP27
Une autre façon de stimuler le financement de la lutte contre le changement climatique est de faire en sorte que les nations occidentales respectent leurs promesses d’engager des milliards de dollars dans des fonds d’atténuation et d’adaptation. La conférence de la COP27 en novembre offre une opportunité. Bien que l’événement ait été présenté comme la « COP de l’Afrique », de nombreux présidents africains ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que le monde développé ne parviendra pas à engager les fonds nécessaires alors qu’il est distrait par la guerre en Ukraine et la crise mondiale du coût de la vie.
Les nations les plus riches ont promis en 2009 de consacrer 100 milliards de dollars par an aux pays à faible revenu pour les aider à lutter contre le changement climatique, mais lors de la COP26 de l’année dernière à Glasgow, l’objectif n’avait toujours pas été atteint. Selon un rapport du Global Center on Adaptation, une organisation néerlandaise spécialisée dans le climat, seuls 11,4 milliards de dollars ont été engagés en 2019 et 2020 pour financer l’adaptation au changement climatique en Afrique. C’est nettement moins que les 52,7 milliards de dollars dont on estime que les pays africains auront besoin chaque année jusqu’en 2030.
« Recevoir un soutien financier de la part des nations plus riches, ce n’est pas un luxe », commente Richard Munang. « C’est une nécessité, si le continent veut survivre à l’avalanche des impacts climatique. » Selon lui, il faut mettre en place des mécanismes de responsabilité et de transparence plus importants lors de ce genre de rendez-vous, pour s’assurer que les pays concrétisent leurs promesses par des actions.
« L’accord de la COP26, qui devait doubler le financement de l’adaptation d’ici à 2025, revêt une importance particulière. C’est dans trois ans à peine. Cet engagement doit être concrétisé. »Une autre priorité essentielle sera de veiller à ce que les pays parviennent à réduire leurs émissions pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 degré.
Le gaz ne servira qu’à quelques-uns
À cet égard, l’Afrique se présente à la réunion sur le climat en Égypte dans une position difficile, alors que plusieurs pays vont de l’avant avec des plans d’exploitation des récentes découvertes de gaz. L’Afrique est l’une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique et elle sera la plus durement touchée par la hausse des températures due à la combustion de combustibles fossiles. Mais l’argument est que l’Afrique – actuellement responsable de moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre – devrait être autorisée à exploiter ses réserves d’hydrocarbures pour stimuler son propre développement, tout comme les pays occidentaux l’ont fait avant elle.
Selon Richard Munang, le débat ne devrait pas porter sur la question de savoir si l’Afrique doit exploiter ses réserves de gaz, mais sur la manière la plus simple de stimuler l’énergie sur le continent. « La question n’est pas gaz ou pas de gaz ; il s’agit de savoir comment nous pouvons fournir des solutions énergétiques propres aux 600 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité. La question est de savoir si l’exploration du gaz est rentable pour favoriser le développement du continent à long terme. »
Le directeur régional adjoint fait valoir que les centrales au gaz sont coûteuses et que leur construction prend de nombreuses années. Il cite une étude de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) qui montre que le coût de construction d’un seul terminal de gaz liquéfié est de 25 milliards $, soit l’équivalent du montant annuel nécessaire jusqu’en 2030 pour permettre à tous les Africains d’avoir accès à une énergie moderne.
De plus, fait-il valoir, tous les pays africains ne disposent pas de gaz, alors que le solaire est une « ressource inexploitée et universelle ». Selon l’AIE, l’Afrique possède 60 % des meilleures ressources solaires du monde, mais seulement 1 % de la capacité de production solaire installée. « Se concentrer sur le gaz ne servira qu’à quelques-uns ; la voie à suivre consiste à tirer parti des énergies renouvelables. »
@NA