Adapter l’Afrique aux changements climatiques

En l’absence remarquée de grands dirigeants européens, les chefs d’État africains et d’organismes internationaux, ont dressé, à Rotterdam (Pays-Bas), les contours de l’adaptation du continent aux dérèglements climatiques. La COP27 « de l’Afrique » se prépare.
La réunion au sommet sur l’adaptation en Afrique, qui vient de s’achever à Rotterdam, a permis aux pays africains de dresser les grandes lignes d’une « percée » en matière d’adaptation », à l’approche d la COP27 de Sharm El-Sheikh. Cinq points clefs seront présentés lors du grand rendez-vous de novembre, tandis que de nouveaux fonds auront été débloqués d’ici là.
À cette réunion de Rotterdam, les dirigeants européens ont brillé par leur absence. Plusieurs chefs d’État africains s’en sont publiquement émus, comme Macky Sall, qui s’est dit « déçu ».
« Si nous avons fait l’effort de venir à Rotterdam depuis l’Afrique, on aurait pu penser qu’il serait beaucoup plus facile pour les dirigeants développés de venir ici. S’ils sont absents, cela nous laisse un goût amer dans la bouche », a regretté le président du Sénégal et de l’Union africaine.
ENCADRÉ
Voici les cinq points du communiqué du Sommet sur l’adaptation en Afrique :
L’Afrique à un moment charnière : la communauté internationale doit prendre en compte les nombreuses crises économiques, climatiques et sanitaires qui secouent l’Afrique.
Le continent le plus vulnérable : l’Afrique est le continent le plus vulnérable aux conséquences de la crise climatique.
Multiplier par deux le financement de l’adaptation : les avancées et la transparence sur l’accord de la COP26 consistant à multiplier par deux le financement international de l’adaptation d’ici 2025 en l’intégrant aux programmes nationaux des plus vulnérables seront essentielles au succès de la COP27.
Capitaliser le programme d’adaptation de l’Afrique (AAAP) : si le volume financier de l’AAAP a déjà été capitalisé à hauteur de moitié, la COP27 est l’occasion pour la communauté internationale de faire preuve de solidarité avec les efforts d’adaptation audacieux du continent le plus vulnérable du monde en comblant le besoin de ressources non encore satisfait pour les actions climatiques du Fonds africain de développement. Mettre à disposition le mécanisme de financement en amont de l’AAAP : la mise à disposition de l’ensemble des ressources nécessaires au mécanisme en amont d’ici la COP27 permettra à l’AAAP de concrétiser toutes ses ambitions dans des projets d’adaptation sur le terrain à travers l’Afrique, ce qui constitue l’un des principaux objectifs de la « COP africaine ».
En effet, les chefs d’État européens de la France, du Danemark, de la Finlande et de la Norvège n’ont pas participé à la réunion au cours de laquelle les nations développées sont censées prendre des engagements en faveur du programme d’accélération de l’adaptation de l’Afrique, une initiative dirigée par l’Afrique visant à mobiliser 25 milliards de dollars de financement climatique d’ici 2025.
La BAD (Banque africaine de développement) a déjà débloqué 12,5 milliards de dollars, mais les engagements des nations plus riches tardent. « C’est à mon tour de déplorer l’absence des dirigeants des nations européennes ainsi que du secteur privé qui, nous le savons, sont les plus gros pollueurs », a déclaré Félix Tshisekedi, président de la RD Congo.
Le monde devra redoubler d’efforts
Le président ghanéen Nana Akufo-Addo s’est fait l’écho de ses homologues africains.
Tous les présidents ont souligné que l’Afrique contribue pour moins de 3 % aux émissions de carbone, mais qu’elle est la plus exposée aux effets dévastateurs du changement climatique. Rejoints en ce sens par les dirigeants des grands organismes internationaux en charge de ces questions.
Ainsi, Patrick Verkooijen, PDG du Global Center on Adaptation (GCA), a déclaré :
« L’Afrique est inarrêtable. Mais l’Afrique est le point zéro de la dégradation du climat au niveau mondial. Si l’Afrique ne parvient pas à s’y atteler, personne n’en sortira gagnant ! Les retombées climatiques en Afrique ne peuvent pas être endiguées. Les mesures d’adaptation peuvent et doivent donc s’étendre à un rythme soutenu sur tout le continent. » C’est pourquoi « le monde devra redoubler d’efforts » à Sharm El-Sheikh, a poursuivi Patrick Verkooijen.
Précisant : « Les fonds destinés à l’adaptation doivent affluer de manière visible en Afrique. Cela signifie que les nations riches doivent répondre à la demande financière du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique et de sa Facilité de financement en amont d’ici la COP27. Si nous échouons, tous les acquis de la COP de Glasgow sont en danger. »
Le GCA est une organisation internationale qui travaille comme une solution intermédiaire pour accélérer l’action et le soutien aux solutions d’adaptation, de l’international au local, en partenariat avec le secteur public et privé. Cet organisme est présidé par Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies.
« Il faut s’adapter ou accepter de mourir. Nous n’avons pas le choix », a déclaré Macky Sall. Le temps dont nous disposons pour agir touche à sa fin. L’Afrique doit donner la priorité à l’adaptation. L’Afrique doit investir massivement dans l’adaptation et la résilience », a surenchéri Macky Sall. Qui a rappelé que l’Afrique doit aussi pouvoir compter sur ses ressources naturelles.
Le président Akufo Addo du Ghana est aussi président du Forum sur la vulnérabilité climatique. Il a déclaré : « Si nous voulons que l’Afrique prospère, nous devons nous adapter au changement climatique. L’Afrique doit remédier au déficit de financement destiné à l’adaptation. Nous ne sommes plus en mesure d’attendre. » Le président Akufo Addo a aussi insisté sur les priorités de la COP27 en matière d’adaptation, appelant notamment à « un plan de mise en œuvre autonome de l’objectif de doubler le financement consacré à l’adaptation convenu lors de la COP26 d’ici 2025. Il est temps de transformer les paroles en actes et de matérialiser les ambitions en actions. Nous comptons surtout sur des progrès et nous attendons de voir comment les fonds seront injectés dans les programmes menés par les pays comme l’AAAP. »
Un dollar pour en susciter cent
En écho, la secrétaire générale adjointe des Nations unies, Amina Mohamed, a fait observer que le versement des fonds d’adaptation constituera un « test décisif » pour les pays qui respectent leur engagement envers le pacte de Glasgow, et il s’est joint à l’appel lancé à la COP27 pour que celle-ci fasse progresser les choses concernant la mise en œuvre de l’adaptation.
« L’Afrique est confrontée à trois défis majeurs – les 3 C : Covid-19, climat et conflits. La solution aux 3 C est la même pour tous : les 3 F, Finance, Finance et Finance », a pour sa part lâché Akinwumi Adesina. Selon le président de la BAD, en dépit des efforts fournis, l’« architecture de la finance climatique telle qu’elle existe aujourd’hui ne répond pas aux besoins de l’Afrique ».
Lors de ce Sommet de Rotterdam, il a donc été annoncé 55 millions de dollars de nouvelles contributions, venant du Royaume-Uni (23 millions $), de la Norvège (15 millions $), de la France (10 millions $), du Danemark (7 millions $), entre autres, à la Facilité de financement en amont de l’AAAP. Les promoteurs attendent un « effet levier » de 100 pour 1. C’est-à-dire que ces 55 millions $ promis influenceront plus de 5 milliards $ d’investissements.
@NA